Une exclusion de deux ans dont un ferme a été proposée vendredi contre un fonctionnaire qui a dénoncé à la presse un conflit d'intérêts dans l'affaire Geneviève Legay, gravement blessée à Nice en 2019 lors d'une manifestation des "gilets jaunes", a appris l'AFP de sources proches du dossier.
Cette recommandation a été émise par le conseil de discipline du ministère de l'Intérieur auquel est rattaché l'agent. La décision finale doit être prise, dans un délai usuel d'un mois, par le ministre Gérald Darmanin qui n'est pas tenu de suivre cet avis.
Ludovic F., adjoint administratif au commissariat de Nice, avait dénoncé à la presse le fait que le procureur Jean-Michel Prêtre - depuis muté à Lyon - ait d'abord confié l'enquête à un service dirigé par la compagne du commissaire Rabah Souchi, qui commandait les opérations sur le terrain ce jour-là.
Le fonctionnaire, à qui il est notamment reproché un manquement à l'obligation de discrétion professionnelle, fait l'objet depuis d'une mesure conservatoire de suspension de fonctions. Il continue de percevoir son traitement sans ses primes, selon les sources proches du dossier.
Sollicité par l'AFP, son avocat Maxime Cessieux a indiqué que son client ne souhaitait pas réagir avant la sanction définitive.
"Je n'ai pas pu faire autrement car ma hiérarchie et l'ex-procureur de Nice étaient acteurs de ce conflits d'intérêts", a-t-il déclaré mercredi à Mediapart pour justifier de ne pas avoir eu recours à l'article 40, qui oblige tout fonctionnaire à dénoncer à la justice des crimes et délits dont il a connaissance.
"Ludovic a fait preuve de courage, son action a permis d'éclairer la justice mais il demeure victime de son sens du devoir républicain. Cette situation confirme à quel point le statut de lanceur d'alerte doit être consolidé", a réagi dans un communiqué le syndicat CGT-Intérieur Police.
Le 23 mars 2019, Geneviève Legay, une militante d'Attac âgée de 73 ans, avait eu plusieurs côtes cassées et des fractures au crâne, lors d'une charge de policiers pour disperser une manifestation interdite de "gilets jaunes".
Le commissaire Rabah Souchi a été mis en examen début novembre pour complicité, par ordre ou instruction, de violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique, dans le cadre d'une information judiciaire dépaysée à Lyon par la Cour de cassation.
Un récent rapport de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), chargé de l'enquête, a estimé que "la stratégie adoptée et les ordres donnés" par le commissaire se sont caractérisés "par un manque de clarté et un aspect directif".
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