Le Sénat dominé par l'opposition de droite a voté jeudi une nouvelle version du très controversé article 24 de la proposition de loi "sécurité globale", qui doit protéger les forces de l'ordre en opération, mais la gauche n'est toujours pas convaincue.
L'article réécrit a été adopté avec 248 voix pour et 97 contre.
Dans sa rédaction votée par l'Assemblée, qui a provoqué une levée de boucliers chez les journalistes, l'article 24 modifie la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour réprimer la diffusion "malveillante" d'images des forces de l'ordre.
La version complètement réécrite par les sénateurs ne fait plus référence à la loi de 1881, mais vise à créer dans le code pénal un nouveau délit de "provocation à l'identification".
L'article ainsi réécrit stipule que "la provocation à l'identification" d'un policier ou d'un gendarme agissant dans le cadre d'une opération de police, ou de leur famille, "est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 75.000 euros d'amende", lorsqu'elle est réalisée "dans le but manifeste qu'il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique". Après quelques hésitations, le Sénat a ajouté les agents des douanes à la liste, à l'initiative de Jean-Pierre Grand (LR).
Le rapporteur LR Marc-Philippe Daubresse s'est dit "sûr" que cet article "pesé au trébuchet" respecte "les principes de nécessité et de proportionnalité". Il a rappelé que le Premier ministre Jean Castex saisirait le Conseil constitutionnel sur cet article.
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a réaffirmé que le gouvernement faisait "confiance au Sénat et à l'Assemblée nationale" tant que le but recherché, à savoir la protection des policiers et gendarmes en opération, était préservé.
"Cet article était mal né, mais l'objectif était nécessaire", a déclaré le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, pour qui le Sénat est parvenu "à trouver le bon point d'équilibre" entre protection des forces de l'ordre et liberté de la presse.
"La majorité a habilement reculé pour mieux sauter", a jugé de son côté la présidente du groupe CRCE à majorité communiste Eliane Assassi, pour qui l'alternative est claire: l'abrogation" de la mesure. Les groupes PS et écologiste ont également plaidé sans succès pour la disparition de cet article.
"Bien sûr que nos forces de l'ordre qui font l'honneur de la République doivent être protégées!", a soutenu la président du groupe PS Patrick Kanner. Mais selon lui cet article est "inutile" et "ne fait qu'abîmer le lien de confiance entre le peuple et sa police".
Pour l'écologiste Esther Benbassa, même réécrit par les sénateurs, il "porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression".
A l'opposé, Jean-Pierre Grand a regretté qu'il permette "la diffusion sur toutes les chaînes de télévision du visage des membres de force de l'ordre sans floutage".
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