Des experts des Nations unies ont réclamé lundi une enquête internationale sur l'empoisonnement de l'opposant russe Alexeï Navalny, tandis que l'UE a officialisé des sanctions contre de hauts fonctionnaires russes.
"Le gouvernement (russe, ndlr) ne peut pas échapper à ses obligations", ont déclaré Agnès Callamard, Rapporteure spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et Irene Khan, Rapporteure spéciale sur la promotion et la protection de la liberté d'opinion et d'expression.
Ces expertes indépendantes ont demandé à Moscou la "libération immédiate" du principal opposant au Kremlin, et d'autoriser une enquête internationale sur son empoisonnement en août.
"Etant donné la réponse inadéquate des autorités nationales, l'utilisation d'armes chimiques interdites et le schéma apparent de tentatives d'assassinats ciblés, nous pensons qu'une enquête internationale devrait être menée de toute urgence afin d'établir les faits et de clarifier toutes les circonstances concernant l'empoisonnement de M. Navalny", ont-elles souligné.
Eles ont pointé du doigt "l'implication très probable de représentants du gouvernement, probablement à un niveau élevé".
A leurs yeux, "l'empoisonnement de M. Navalny au Novitchok (un agent innervant Ndlr) a été délibérément commis pour envoyer un avertissement clair et sinistre que ce serait le sort de quiconque critiquerait et s'opposerait au gouvernement".
Cet agent innervant mis au point à des fins militaires à l'époque soviétique "a précisément été choisi pour susciter la peur".
Les deux expertes, dont l'avis n'engage toutefois pas l'ONU, demandent depuis août au gouvernement russe de veiller à ce qu'"une enquête crédible, transparente et respectant les normes internationales soit menée rapidement et à ce que les conclusions soient rendues publiques".
Estimant la réponse des autorités russes insatisfaisante, elles soulignent qu'une enquête internationale est "particulièrement cruciale" étant donné que M. Navalny est "détenu par le gouvernement russe".
- Sanctions européennes -
A Bruxelles, les Etats membres de l'UE ont de leur côté officialisé lundi des sanctions contre quatre hauts fonctionnaires russes impliqués dans les procédures judiciaires engagées contre M. Navalny et dans la répression menée contre ses partisans.
Selon deux sources européennes, les personnalités sanctionnées sont Alexandre Kalachnikov, directeur des services pénitenciers, Alexandre Bastrykine, responsable du Comité d'enquête russe, Igor Krasnov, procureur général, et Viktor Zolotov, chef de la Garde nationale de Russie. Leurs noms doivent être publiés mardi au Journal officiel de l'UE.
Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Alexandre Grouchko, a déclaré que son pays répondrait "bien sûr" aux sanctions de l'UE.
"L'Union européenne continue sur une voie absolument illégale, c'est une impasse absolue", a-t-il déclaré, cité par l'agence de presse russe Interfax.
Les Européens avaient déjà décidé mi-octobre de sanctionner six personnalités russes, dont des proches du président Vladimir Poutine, après l'empoisonnement d'Alexeï Navalny.
L'opposant russe de 44 ans est visé par de multiples procédures judiciaires depuis son retour en Russie en janvier de cinq mois de convalescence en Allemagne suite à un empoisonnement, dont il accuse le président Vladimir Poutine et les services secrets russes d'être responsables.
Il est arrivé dimanche dans une région à 200 kilomètres à l'est de Moscou pour purger dans une colonie pénitentiaire une peine de deux ans et demi de prison, que lui et ses soutiens dénoncent comme politique.
La justice russe a confirmé la semaine dernière la condamnation du militant anti-corruption de 44 ans dans une affaire de fraude datant de 2014.
En 2017, la Cour européenne des droits de l'Homme avait estimé que dans ce dossier Alexeï Navalny et son frère Oleg avaient été privés de leur droit à un procès équitable, dénonçant des décisions de justice "arbitraires et manifestement déraisonnables".
Alexeï Navalny a par ailleurs été condamné à une amende pour "diffamation" et plusieurs autres affaires judiciaires l'attendent, notamment une nouvelle enquête pour escroquerie, passible de dix ans de prison.
Son arrestation le 17 janvier a provoqué en Russie d'importantes manifestations, auxquelles les autorités ont répondu par plus de 11.000 arrestations, suivies généralement d'amendes et de peines de prison.
Le 18 janvier, Agnès Callamard et Irene Khan avaient elles salué le "courage" d'Alexei Navalny, et dénoncé son arrestation à son arrivée à Moscou.
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