Dans le sud-est de la France, les collines de la forêt méditerranéenne du massif des Maures commencent à reverdir après un incendie qui avait brûlé, l'été dernier, quelque 7.000 hectares. Mais la régénération de la végétation, adaptée aux feux, pourrait avoir des limites.
L'Europe occidentale notamment (France, Espagne, Grèce) connaît cet été des méga feux de forêts dans un contexte de grande sécheresse et de canicule, laissant des paysages de désolation dans les forêts.
L'été dernier, dans le massif des Maures, "c'était le quatrième depuis 1979", compte avec un certain fatalisme, Michel Mondani, maire de Mayons.
L'incendie a fait deux morts sur la commune voisine de Grimaud, au-dessus du très touristique Golfe de Saint-Tropez.
Un an plus tard, les arbousiers, le thym et autres arbustes reprennent doucement vie au milieu des chênes-lièges et pins d'Alep encore noircis qui surplombent les crêtes.
"La nature reprend ses droits, mais on voit que les incendies successifs l'épuisent", poursuit cet ancien pompier volontaire.
Une écorce très épaisse qui protège le chêne-liège de l'impact létal des températures lors du passage de flammes, des pins dont les cônes libèrent une banque de graines qui, au contact de la cendre, donnent naissance à de nouveaux arbres, des arbustes dont les noeuds de reprise sont situés sous terre...
En région méditerranéenne, "la majorité des espèces sont adaptées au feu", explique à l'AFP Anne Ganteaume, spécialisée dans l'évaluation des risques incendie, au sein de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) d'Aix-en-Provence (Sud-Est).
- Une "résilience naturelle" -
"Si la fréquence des incendies est modérée ce n'est pas un problème majeur. Le feu permet de réguler certaines plantes invasives. Cela peut surprendre, mais sans incendie, un contingent d'oiseaux comme les alouettes, les bruants pourraient disparaître car leurs habitats s'embroussailleraient", rappelle également Roger Prodon, professeur émérite et spécialiste de "l'écologie des incendies".
Les scientifiques mettent toutefois en garde sur les limites de cette "résilience naturelle" de la flore méditerranéenne.
Si le nombre d'hectares brûlés avait baissé de manière générale en France, avec 45.000 hectares en moyenne par an dans les années 1970-1980 contre 12.000 hectares depuis 2006, la fréquence des feux et l'étendue de leurs dégâts appellent à la vigilance.
"Si la fréquence des feux augmente, ce qui est attendu dans le futur, l'intervalle deviendra trop court pour que, par exemple, le pin d'Alep arrive à maturation et libère ses graines avant qu'un nouveau feu ne le brûle", prévient Mme Ganteaume.
En France, "l'activité (des feux) va s'intensifier dans les zones où elle est déjà forte, dans le Sud-Est et aussi s'étendre aux marges montagneuses de cette région du Sud", ainsi que "dans la moitié Nord où les températures et la sécheresse vont augmenter", pointe Jean-Luc Dupuy, spécialiste des incendies à l'Inrae d'Avignon. A l'image du feu en juillet sur les Monts d'Arrée, en Bretagne (Nord-Ouest).
"Il ne faut pas s'attendre à ce que les espèces s'adaptent" à cette nouvelle fréquence "en quelques décennies", prévient M. Dupuy.
"L'adaptation nécessite plusieurs milliers d'années", insiste le chercheur.
Les effets collatéraux des incendies à répétition sont nombreux: faute de végétation pour retenir l'eau de pluie, le risque d'inondations augmente, le ruissellement des cendres dans les fossés peut aussi déséquilibrer la qualité de l'eau, essentielle aux animaux.
"Il faut rendre la forêt la plus résistante possible face au prochain incendie", estime Julie Mariton, membre locale d'une institution publique de gestion de la forêt, "il faut être humble, on sait que ça se reproduira".
Selon les scientifiques, la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes (canicule, sécheresse, incendies, etc.) est une conséquence directe du réchauffement climatique, les émissions de gaz à effet de serre augmentant à la fois leur intensité, leur durée et leur fréquence.
est/iw/pb/bat