Loin de l'image du Premier ministre dissimulé derrière des vitres teintées, Mark Rutte dégage une figure de normalité et de constance chère aux coeurs des Néerlandais, qui semblent prêts à le réélire pour un quatrième mandat.
Jamais marié, le dirigeant libéral vit dans le même appartement qu'il a acheté après avoir obtenu son diplôme, conduit une Saab d'occasion lorsqu'il ne se déplace pas à vélo et enseigne l'instruction civique en tant que bénévole dans un collège.
Premier ministre des Pays-Bas depuis 2010, Mark Rutte entretient l'image d'une personne modeste et franche, derrière laquelle se cachent des instincts politiques aiguisés qui lui ont déjà permis de former trois gouvernements de coalition.
Les sondages d'opinion annoncent son parti de centre droit VVD comme grand vainqueur des élections législatives, considérées comme un test de sa politique sur le coronavirus, et dont le principal jour de scrutin se déroule mercredi.
Si Mark Rutte cultive une image joviale sur ses terres, il est plutôt connu dans le reste de l'UE en tant que "Monsieur Non", après être devenu l'année dernière le leader officieux des pays "frugaux", qui avaient bloqué un accord sur un vaste plan de relance post-coronavirus.
Son intransigeance en matière de dépenses européennes avait contraint les 27 à prolonger un sommet éreintant en juillet pour parvenir à une issue, tandis que sa position ferme sur la crise migratoire et sur la dette grecque avait déjà agacé certains Etats membres dans les années 2010.
- "Portrait d'un type normal" -
Mark Rutte, 54 ans, est le troisième dirigeant européen à être resté le plus longtemps en poste, après la chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre hongrois Viktor Orban.
Rêvant tout d'abord d'une carrière de pianiste, il étudie finalement l'histoire, avant de devenir directeur des ressources humaines chez le géant anglo-néerlandais Unilever.
Il se lance ensuite dans la politique et devient le chef du VVD en 2006, avant d'être élu Premier ministre quatre ans plus tard.
Très discret sur sa vie privée, ce dernier d'une famille de sept enfants, qui vit depuis toujours à La Haye, se décrit lui-même comme un "homme d'habitude et de tradition".
"Il fait du vélo. C'est le portrait d'un type normal (...) Un chef d'un +Parti du peuple+", analyse le politologue André Krouwel, qui enseigne à l'Université libre d'Amsterdam.
"Il ne se déplace pas dans une grosse limousine ou dans une voiture chère avec un chauffeur qui ouvre les portes", explique M. Krouwel à l'AFP.
"Aux Pays-Bas, vous n'avez pas besoin de montrer votre pouvoir à travers toutes ces sortes de symboles de richesse. Les gens aiment ce genre d'humilité", souligne-t-il.
- "Grand talent politique" -
Connu pour sa capacité à esquiver les crises, Mark Rutte a pourtant été contraint de démissionner en janvier après que des milliers de parents ont été accusés à tort de fraude aux allocations familiales.
Son gouvernement est toutefois resté en place pour s'occuper des affaires courantes, notamment de la gestion du Covid-19, dans l'attente des élections.
Malgré certaines critiques sur les mesures sanitaires en place, et un couvre-feu controversé qui avait déclenché des émeutes, Mark Rutte s'est affiché comme un porte-parole de stabilité face à la pandémie.
Il a été salué lorsqu'il est apparu qu'il n'avait rendu visite à sa mère mourante que peu avant son décès, se pliant aux restrictions.
Sur le plan politique, ses opposants lui reprochent parfois un manque de vision et une tendance à emprunter les propositions les plus populaires de ses adversaires.
"Nous l'appelons le Premier ministre +Teflon+. Il n'a pas d'idée personnelle, il suit le courant", a déclaré à l'AFP Jesse Klaver, chef du parti écologiste d'opposition GroenLinks.
"Je pense que c'est un grand talent politique, mais il utilise son talent pour rester au pouvoir lui-même au lieu de faire de son mieux pour le pays et pour l'Union européenne", a-t-il regretté.
bur-smt/plh
SAAB AB
UNILEVER PLC