Plus de cent mineurs étrangers à la rue, proies faciles pour des réseaux criminels, d'autres hébergés dans de mauvaises conditions: la Défenseure des droits a sévèrement critiqué les carences du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône dans l'accueil des jeunes migrants.
Dans une décision du 17 mars qu'a pu consulter l'AFP, cette autorité nationale chargée de défendre les droits des citoyens estime que ces manquements portent "atteinte aux droits fondamentaux des mineurs non accompagnés et de leur intérêt supérieur".
En cause, le non-respect par le Conseil départemental de ses obligations légales de "recueil provisoire d'urgence", une mise à l'abri immédiate prévue par la loi en attendant l'évaluation de la situation du jeune par les services sociaux et éducatifs.
Ce qui signifie concrètement que ces jeunes, déjà éprouvés par un parcours migratoire souvent traumatisant incluant dans certains cas une périlleuse traversée de la Méditerranée et différents situations de maltraitance, doivent attendre "jusqu'à cinq mois", pour cette mise à l'abri.
Actuellement, "la file active comprend plus d'une centaine de jeunes", souligne Claire Hédon, la Défenseure des droits.
Pendant ce temps, beaucoup de ces jeunes venus d'Afrique dans leur grande majorité, sont à la rue, "hors des radars des associations", déplore Julien Delozanne, coordinateur de projet pour l'ONG Médecins sans frontières à Marseille.
Les autres sont mis à l'abri par des associations, mais surtout par un réseau de bénévoles qui les accueillent chez eux.
Quand ils sont enfin pris en charge par les services de l'Aide sociale à l'enfance --qui dépend du département--, c'est le plus souvent à l'hôtel, note Claire Hédon.
Or, ce mode d'hébergement, qui ne garantit pas leur sécurité, devrait être "proscrit pour les jeunes gens se présentant comme MNA, particulièrement vulnérables" selon Mme Hédon.
"Il faut bien prendre en compte que ces jeunes, qui sont dans des situations psychologiques catastrophiques, ont besoin d'une aide professionnelle", abonde Julien Delozanne, "et doivent être accompagnés scolairement, médicalement, et pas seulement placés à l'hôtel".
- "Proie des réseaux" -Le délai observé entre l'arrivée sur le territoire marseillais de ces mineurs et leur mise à l'abri en vue d'un suivi "génère de la délinquance, généralement de subsistance", souligne la Défenseure des droits, chiffres du parquet de Marseille à l'appui.
Les jeunes à la rue deviennent en effet "la proie des réseaux" criminels faute de prise en charge, déplore-t-elle.
Certains mineurs, selon la Défenseure, commettraient aussi des délits "pour tenter d'intégrer le dispositif de protection de l'enfance plus rapidement, par la voie pénale". D'autres, découragés, poursuivent leur parcours migratoire, "avec les risques que cela comporte".
Le Conseil départemental n'a pas répondu aux sollicitations de l'AFP mardi, mais avait indiqué précédemment que "les MNA représentent plus d'un quart des enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance", et qu'il leur consacre un budget de 51 millions d'euros.
L'institution estime à 1.100 le nombre de mineurs non accompagnés dans le département, principalement à Marseille, contre 207 en 2014.
Dans sa décision, la Défenseure note toutefois que le département, "déjà très en difficulté", reçoit des mineurs d'autres départements de France en raison d'un système de répartition national.
Elle recommande même au ministère de la Justice d'initier un travail de réflexion sur une "suspension provisoire du principe de répartition nationale" afin d'améliorer la situation dans les Bouches-du-Rhône.
Elle demande aussi à la préfecture "d'apporter son concours au département dans la recherche de locaux ou bâtiments disponibles" pour pallier les carences d'hébergement actuelles.
En 2020, le département a été condamné 56 fois à payer des astreintes pour non-prise en charge de mineurs placés sous ordonnance provisoire de placement par la justice, selon le tribunal administratif.
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