Pour la première fois en France, une action de groupe a été lancée mercredi contre l'Etat par un collectif d'ONG qui met en demeure le gouvernement de mettre fin aux "contrôles d'identité discriminatoires" par la police, sous peine de saisir la justice.
Cette procédure, prévue par une loi de 2016, intervient après une succession d'affaires mêlant violences policières et accusations de racisme dans la police, dont le tabassage fin novembre du producteur de musique noir Michel Zecler.
Elle coïncide également avec le lancement lundi prochain du "Beauvau de la sécurité", grande concertation nationale sur la police annoncée par Emmanuel Macron après cette agression qui a eu un écho retentissant en France.
"Aujourd'hui quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé", avait reconnu début décembre le président de la République sur le media en ligne Brut.
La mise en demeure vise précisément le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti. Elle leur laisse un délai de quatre mois pour répondre aux demandes des six ONG, dont Amnesty International France et Human Rights Watch.
Celles-ci réclament notamment une modification du code de procédure pénale pour "interdire explicitement la discrimination dans les contrôles d'identité" et la "création d'un mécanisme de plainte efficace et indépendant".
Si, à l'issue de la mise en demeure, les associations estiment ne pas avoir obtenu satisfaction, elles "peuvent saisir la justice et les juges peuvent ordonner au gouvernement des mesures pratiques pour que cesse cette discrimination", développe l'avocat Antoine Lyon-Caen.
Une étude menée en 2009 à Paris par Open Society Justice Initiative et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) montrait qu'en France, les personnes perçues comme "noires" et "arabes" sont contrôlées respectivement six et huit fois plus que celles perçues comme "blanches".
Plus récemment, en janvier 2017, un rapport du Défenseur des droits avait conclu qu'un "jeune homme perçu comme noir ou arabe (...) a une probabilité 20 fois plus élevée" d'être contrôlé que l'ensemble du reste de la population.
Quelques mois auparavant, en novembre 2016, la Cour de cassation avait définitivement condamné l'État pour des contrôles d'identité "au faciès", une première.
Les syndicats policiers réfutent pour leur part les accusations de racisme. La police ne choisit pas sa délinquance" a réagi auprès de l'AFP Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie-Officiers.
Le syndicat Alternative Police dénonce lui "une manoeuvre politique et dogmatique de ces organisations, bien connues pour leurs positions anti-flic", concédant des "comportements individuels inacceptables", mais uniquement "à la marge et de façon très minoritaire".
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