Sauvagement passé à tabac et brûlé, pour un "mauvais regard"? Le procès de trois hommes s'est ouvert jeudi aux assises du Nord pour la tentative de meurtre aggravée en 2015 d'un père de famille, resté handicapé et aujourd'hui en quête "d'explications".
Dans la nuit du 27 au 28 mai 2015, Fabien Lherbier, grutier de 41 ans habitué à faire son jogging avant l'aube, avait perdu ses chiens et quitté son domicile de Libercourt (Pas-de-Calais) à leur recherche, en voiture. Les secours le retrouveront vers 05H50, nu et inanimé près de son véhicule calciné dans un champ de Phalempin (Nord).
Brûlé au deuxième degré sur 20% du corps, il présentait un traumatisme crânien, des lésions cérébrales, ainsi que de nombreuses fractures et plaies. Longuement hospitalisé, il a perdu la mémoire sur cette nuit et des pans de sa vie.
Jeudi, il est entré dans la salle en fauteuil roulant, entouré de son épouse et de plusieurs proches, puis a péniblement fait quelques pas jusqu'au banc des parties civiles, ému.
Si les deux principaux accusés nient les faits, "M. Lherbier espère toujours obtenir des explications", comprendre "pourquoi ils l'ont ciblé, puis se sont acharnés sur lui", a déclaré à l'AFP l'un de ses avocats, Me Damien Legrand, regrettant que la scène soit "toujours floue".
- Déchaînement de violence -Dès juin 2015, un courrier anonyme oriente les enquêteurs sur un passage à tabac par trois jeunes, dans une cité voisine. L'auteur invite les gendarmes à vérifier la vidéosurveillance d'une station d'essence.
Un autre témoignage anonyme désigne plus tard deux cousins, Mohamed Ainaoui, 19 ans, et Bilal Belgherbi, 20 ans, évoquant une agression partie d'un "mauvais regard".
Grâce à la vidéosurveillance de la station, les gendarmes identifient un troisième homme, Mohamed Boumaaraf, 22 ans, venu remplir un bidon d'essence vers 05H00 à bord de sa Saxo, suivi par l'Opel corsa de la victime.
C'est lui qui fournira aux enquêteurs le récit détaillé du drame. L'accusation repose en grande partie sur ses aveux, corroborés par des témoignages de proches, mais aussi l'écoute et l'analyse de téléphones.
Boumaaraf dit être tombé par hasard sur les deux cousins, très alcoolisés, dans la cité. A l'arrivée de Fabien Lherbier, une altercation aurait éclaté avec Ainaoui, Belgherbi assénant un coup de bouteille au quadragénaire, avant que tous deux ne "s'acharnent" sur lui, Ainaoui semblant le plus virulent.
Il assure avoir été contraint, sous la menace, d'aller chercher l'essence, puis à Phalempin, où les cousins auraient mis le feu à la voiture, l'un d'eux sortant la victime du coffre in extremis.
- Peur de représailles -La cour s'est penchée sur la personnalité des accusés, s'interrogeant longuement sur ce possible complice au casier judiciaire vierge, qui comparaît libre, devenu cariste et père d'un enfant.
"Timide", "craintif", "suiveur"... Les qualificatifs employés par ses proches contrastent avec son parcours scolaire émaillé de problèmes de comportement. L'expert psychologue le juge "influençable", voire "impressionnable".
D'après son avocat Quentin Lebas, Boumaaraf s'est retrouvé "sous l'emprise" des cousins, "réputés dans la cité comme extrêmement violents" et capables de représailles. L'accusation, au contraire, voit en lui un complice.
En pull noir et cheveux ras, Ainaoui comme Belgherbi ont plaidé "non coupable".
"Je suis quelqu'un de gentil, adorable", a assuré Ainaoui, reprenant les mots de ses proches. Il a concédé des "erreurs de jeunesse", alors que la cour venait d'énumérer sa dizaine de condamnations pour violences, vols et délits liés aux stupéfiants.
Après l'agression, il avait séjourné plusieurs mois en Algérie et y avait été incarcéré, pour usurpation d'identité.
"Cette histoire, j'y suis pour rien. Je me sens incompris", a lancé Belgherbi, se disant "généreux, altruiste, un peu flemmard". Face à eux, l'avocat général Olivier Agnus a relevé "un décalage entre l'image" offerte par les accusés et la "gravité des faits reprochés".
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