Trahis par leur matériel "high-tech" et un appel d'à peine 3 secondes: les enquêteurs ont détaillé jeudi au procès du rapt d'une riche hôtelière niçoise comment la découverte de balises GPS et de lignes téléphoniques dédiées avait permis de confondre les 13 accusés.
Victime de la vengeance et de l'appât du gain d'un ex-restaurateur italien selon l'accusation, séquestrée deux jours et deux nuits au fond d'un Renault Kangoo, Mme Veyrac, 80 ans, a dû son salut à sa force de caractère et à l'aide d'un passant, qui a fini par l'aider à sortir du véhicule.
Pour les enquêteurs, un trio est au coeur de l'organisation du rapt de l'octogénaire, dont la déposition, prévue jeudi, a été décalée à vendredi: le "cerveau" de l'affaire, Giuseppe Serena, 67 ans, évincé quelques années avant les faits d'un de ses restaurants par Mme Veyrac, et qui nie les faits; un ex-militaire britannique quinquagénaire, Philip Dutton, soupçonné d'avoir enjolivé ses états de service en évoquant des missions à risques; enfin, Enrico Fontanella, 67 ans, un ami de longue date de Giuseppe Serena dont le cas a été disjoint pour raisons de santé.
"Toute l'enquête repose sur la découverte des balises" sous le Toyota 4x4 gris de Mme Veyrac, résume jeudi devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes un enquêteur de la police judiciaire.
Equipées de cartes SIM, elles sont trouvées par les policiers niçois dès le lendemain du rapt: "Ca nous a été soufflé par nos collègues de Marseille (...) on aurait pu passer à côté", remercie l'enquêteur.
Très vite, ces trackers permettent de remonter jusqu'à un ex-pararazzi niçois devenu détective privé, Luc Goursolas. Il est mis sur écoute et sa surveillance conduit les enquêteurs aux principaux protagonistes du dossier, Philip Dutton, alors gardien de nuit sur une plage privée, et Giuseppe Serena.
- "L'erreur a duré 3 secondes" -Impossible pour M. Goursolas de nier la pose des balises: elles sont à son nom, son téléphone est paramétré pour être informé de leurs déplacements et son ADN a été retrouvé sur l'une d'elles. L'ancien photographe de 50 ans n'a cessé de se justifier en expliquant avoir été "engagé pour une filature du fiancé de M. Serena", sans rien savoir de Mme Veyrac.
Une version inventée, selon la police, qui estime que les balises devaient servir à suivre la voiture de Mme Veyrac lors du versement de la rançon et que M. Goursolas, fort de ses entrées au commissariat, devait s'assurer que la police n'était pas sur leur piste.
"Il a toujours été +borderline+, pas toujours dans les clous (...). Le rôle de M. Goursolas était de s'assurer que tout allait bien côté policier", tranche l'enquêteur. "Pourquoi aurait-il été assez stupide pour poser des balises à son nom, sans gant ?", objecte l'avocat de M. Goursolas, Me Adrien Verrier.
Une fois sur la piste de M. Serena, les enquêteurs se sont lancés dans un travail de fourmi et épluché 3,6 millions de lignes de communication à l'aide d'un logiciel pour comprendre le rôle de chacun et les déplacements des hommes de main accusés du rapt.
La chance leur sourit quand ils examinent la fadette --le relevé d'appels-- de M. Fontanella. Le jour des faits, le 24 octobre 2016 à 17h14, un nouveau correspondant s'affiche. L'appel dure trois secondes et provient d'un téléphone dédié fonctionnant avec carte prépayée reliée à une identité imaginaire que les enquêteurs n'auraient jamais dû découvrir.
"Avec ces lignes dédiées, si tout est respecté, un malfaiteur peut espérer une impunité quasi-totale. L'erreur a duré 3 secondes et la personne qui a commis cette erreur, c'est M. Serena", raconte l'enquêteur. Le même numéro lui a servi à écrire deux sms au fils de la victime selon les enquêteurs: "On croise l'ensemble, et là, bingo, on a nos trois lignes dédiées !".
Après sa démonstration, les avocats vont se succéder à la barre pour tenter de prouver que la téléphonie ne prouve rien, parlant d'"extrapolations", d'"hypothèses", d'"incohérences" ou de "déduction un peu facile". A l'exception de M. Dutton, aucun des accusés ne reconnaît les faits qui leur sont reprochés.
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