Une présence très allégée, axée sur le contre-terrorisme et l'accompagnement au combat des forces locales: si Emmanuel Macron a renoncé à réduire "dans l'immédiat" les effectifs militaires français au Sahel, il n'en a pas moins tracé les contours d'une stratégie de sortie, à la faveur de renforts européens prêts à partager le fardeau.
"Des évolutions sans doute significatives seront apportées à notre dispositif militaire au Sahel", où sont actuellement déployés 5.100 hommes au sein de l'opération Barkhane, "mais elles n'interviendront pas dans l'immédiat", a affirmé mardi le président français lors d'une conférence de presse à Paris, à l'issue du sommet du G5 Sahel à N'Djamena auquel il a participé en visioconférence.
"Il serait paradoxal d'affaiblir notre dispositif au moment où nous disposons d'un alignement politique et militaire favorable à la réalisation de nos objectifs", a-t-il fait valoir, en soulignant les victoires tactiques remportées depuis un an contre le groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), et l'implication croissante des armées locales dans les opérations.
Paris a donc décidé de temporiser, après avoir envisagé il y a encore quelques semaines d'amorcer un retrait dès ce début d'année, en rappelant les 600 soldats envoyés en renfort au Sahel en janvier 2020.
"Il y a encore du travail à faire" avant d'enclencher des phases de réduction progressive, résume une source proche du dossier. La France est notamment soucieuse d'infliger des dommages profonds aux organisations affiliées à Al-Qaïda regroupées au sein du GSIM (Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans), responsables de la mort de 5 soldats français entre fin décembre et début janvier et qui continuent de revendiquer de multiples attaques.
Emmanuel Macron a promis mardi "une action renforcée" pour "essayer d'aller décapiter ces organisations".
- Objectif 2.000 hommes pour Takuba -
Mais "dans la durée et au delà de l'été, je souhaite qu'on travaille avec nos partenaires pour une évolution de notre présence", ininterrompue depuis huit ans au Sahel, a insisté le chef de l'Etat, alors qu'approche l'élection présidentielle française de 2022.
En France, cet effort militaire de longue haleine au Sahel suscite des interrogations croissantes, alors que 50 soldats ont été tués au combat depuis 2013. Par ailleurs, l'attention des armées françaises est en train de se tourner vers le risque de conflits plus durs, de haute intensité sur la scène mondiale.
"Notre volonté est de sortir d'une logique d'opération extérieure pour nous concentrer sur la stricte lutte contre le terrorisme", a expliqué le président français. Une évolution qui pourrait signifier un recours accru aux forces spéciales et aux opérations aériennes menées notamment par les drones armés.
Pour réduire son empreinte, Paris compte jouer sur deux axes: la "sahélisation", c'est-à-dire le passage du témoin aux armées nationales, et l'"internationalisation" de l'effort d'accompagnement au combat de ces forces sous-équipées et sous-entraînées.
La France mise tout particulièrement sur la montée en puissance du groupement de forces spéciales européennes Takuba, initié par Paris et qui rassemble aujourd'hui quelques centaines d'hommes dont des Français, des Estoniens (40 hommes), des Tchèques (60) et 150 Suédois. L'Italie a promis 200 soldats et plusieurs autres pays, dont la Grèce, la Hongrie ou encore la Serbie, ont exprimé leur intérêt.
La mission de Takuba: accompagner de petites unités d'élite maliennes équipées de pick-ups et de motos, pour les aider à s'aguerrir et reconquérir des pans de territoire semi-désertiques délaissés depuis longtemps par l'Etat malien.
"Notre objectif c'est d'arriver à 2.000 hommes sur Takuba, avec un pilier français autour de 500 hommes, dans la durée, et une coopération avec les armées de la région, avec plusieurs emprises (bases militaires, ndlr) mais à chaque fois en appui, avec des militaires qui seraient là dans la durée aux côtés des militaires sahéliens, ce qui est une logique différente de celle des opex" (opérations extérieures, ndlr), a développé le chef de l'Etat.
"Nous ne le ferons pas tout de suite mais c'est ainsi que je me projette dans la durée", a-t-il affirmé.
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