Il y a un an, le secteur aéronautique pensait continuer à grimper jusqu'au ciel et produire toujours plus d'avions, mais le Covid-19 a ébranlé la filière, mise sous perfusion par l'État pour limiter les suppressions d'emplois et lui permettre de rebondir.
Premier et rare secteur excédentaire pour la balance commerciale française (+29,6 milliards d'euros en 2019), l'aéronautique a été emportée dans l'effondrement du trafic aérien mondial qui a durablement saigné les finances des compagnies aériennes.
"Le secteur n'avait pas connu de crise depuis plusieurs décennies. Même en 2008, on cherchait à recruter et à se robotiser pour faire face aux montées en cadence, on pensait que cela allait continuer de monter au ciel", résume Johnny Favre, secrétaire national de la CFDT Métallurgie.
Envolées, les augmentations de production prévues par Airbus, chef de file de toute la filière, qui a réduit sa production dès avril de près de 40% et annoncé la suppression de 15.000 emplois, dont 5.000 en France.
Or l'avionneur, comme son concurrent Boeing, a recours pour fabriquer les pièces de ses avions à une multitude de sous-traitants, souvent des PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI). Ces sociétés aux reins moins solides ont vu du jour au lendemain disparaître près de la moitié de leur activité.
Lauak, Mecachrome, AAA, Daher... les plans sociaux se sont multipliés.
Dès le mois de septembre, les services de l'État recensaient 27 plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) dans l'aéronautique pour la seule région Occitanie, où sont implantés Airbus et nombre d'entreprises du secteur.
Sur les neuf premiers mois de 2020, 5.800 emplois -hors intérim- ont été supprimés dans le Grand Sud-Ouest dans l'aéronautique, selon l'Insee.
La filière en France représente 300.000 emplois directs et indirects dans 1.300 entreprises industrielles, selon Bercy.
Comme pour l'ensemble de l'économie, l'État a sorti la grosse artillerie pour soutenir le secteur, à coups de prêts garantis (PGE), de chômage partiel et 15 milliards d'euros -dont 7 milliards au profit d'Air France - pour un plan de soutien de la filière.
Tous les acteurs s'accordent à dire que cette action a pour l'instant permis de "limiter la casse".
- Regroupements à l'horizon? -"On avait à peu près 60.000 emplois menacés sur 2020-2021 et nous pensons que nous avons déjà pu en sauver la moitié, c'est-à-dire 30.000 personnes", selon le président du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas) Eric Trappier.
Plusieurs plans sociaux ont ainsi pu être revus à la baisse, notamment à la faveur du dispositif d'allocation partielle de longue durée (APLD), note Edwin Liard, chargé de l'aéronautique au sein du syndicat Force Ouvrière.
Le motoriste et équipementier Safran a réussi à maintenir ses 44.000 effectifs en France (hors intérim), l'équipementier Latécoère va supprimer moitié moins de postes que prévu (246 sur 1.500), Figeac Aero un tiers de moins.
Même à Airbus, les syndicats pensent pouvoir éviter tout licenciement sec.
Mais avec la poursuite de la crise sanitaire et des restrictions de déplacement, "on est plutôt sur un scénario catastrophe, il va certainement y avoir encore d'autres PSE", pronostique Johnny Favre.
"Le temps passe, la situation est difficile, les aides de l'État ne vont pas être éternelles, elles ne suffisent pas à vivre sous cloche éternellement", note Bertrand Mouly-Aigrot, du cabinet Archery consulting.
Pour autant, "avec les restructurations et le redimensionnement qui ont été faits, avec la consolidation qui doit s'opérer en 2021, l'industrie est suffisamment forte pour s'en sortir, si l'on croit à l'hypothèse optimiste d'une sortie progressive du mode crise à partir de l'été", explique-t-il à l'AFP.
L'un des enjeux pour rebondir, c'est une probable union des forces: si elles ont pu préserver les compétences, de nombreuses entreprises trop petites et désormais fragilisées doivent se regrouper pour pouvoir affronter la concurrence et les enjeux industriels de l'aviation décarbonée.
"Sur les activités mécaniques par exemple, il y a un nombre d'acteurs incalculable", renchérit Edwin Liard, qui s'attend lui aussi à une consolidation.
Un fonds abondé notamment par l'État et les grands industriels, doté à terme d'un milliard d'euros, doit favoriser les regroupements.
Au risque, selon Edwin Liard, de "se faire absorber par des acteurs américains ou chinois".
mra/tq/ak/LyS/ahe
BOEING
AIRBUS GROUP
AIR FRANCE-KLM
SAFRAN
SOCIETE INDUSTRIELLE D'AVIATION LATECOERE