"C'est comme un club, on défend nos couleurs": le passage à tabac du jeune Yuriy, mi-janvier à Paris, braque les projecteurs sur les phénomènes des bandes dans la capitale, dont la rivalité peut dégénérer en affrontements pour des motifs parfois futiles.
Leur nom renvoient directement à leur quartier: la "bande de Falguière", celle du "Moulin de la Vierge", de la "rue de la Grange aux Belles" ou "RD4", pour la "rue des 4 Frères Peignot", à proximité du centre commercial de Beaugrenelle (XVe arrondissement) où Yuriy, 15 ans, a été violemment frappé par un groupe de jeunes dans des circonstances encore floues.
Les enquêteurs, qui ont interpellé jeudi dix jeunes (dont neuf mineurs) à Vanves, ville qui jouxte le XVe arrondissement, explorent notamment la piste d'une rixe entre bandes.
Une quinzaine sont recensées dans la capitale par la préfecture de police de Paris (PP) qui a mis en place, depuis 2011, une cellule de suivi du plan bandes (CSPB). Elle s'accompagne, depuis 2016, d'un dispositif judiciaire (Groupe local de traitement de la délinquance) associant police, mairies et services éducatifs sous l'égide du parquet.
Ces rivalités entre bandes ont coûté la vie à six jeunes en 2017 et 2018 à Paris selon les autorités qui ont recensé 83 affrontements en 2020 dans la capitale (contre 159 en 2016).
"Il y a deux types d'affrontements: ceux qui sont plutôt pour prendre possession d'un territoire, pas forcément lié aux stupéfiants même si ça existe, et d'autres, plus récents, pas nécessairement territoriaux, mais liés aux réseaux sociaux où un incident peut conduire à un affrontement sur la voie publique", décrypte Laëtitia Vallar, porte-parole de la PP.
C'était le cas, l'été dernier d'une rixe entre des jeunes des XIVe et XVIIIe arrondissements pour une querelle amoureuse, lors de laquelle deux mineurs ont été blessés à l'arme blanche, selon une source policière.
"En général, c'est tout bête. (Les bagarres) se déclenchent parce que ça parle mal sur les réseaux sociaux ou des histoires de filles", explique Thiago (prénom modifié), 14 ans et qui habite dans le quartier Falguière (XVe arr.) dont certains jeunes ont affronté ceux, voisins, du Moulin de la Vierge, pendant les vacances de Noël.
"Il y a eu deux-trois +bastons+, à 30 contre 30 - mais tout le monde ne se bat pas - avec des bâtons, des béquilles. C'est parti car ils sont venus tourner une vidéo ici, se foutant de notre gueule", raconte Thiago.
- Le rôle des réseaux sociaux -Le motif peut ainsi être futile et rassembler, par loyauté autour d'une cause commune ponctuelle, des jeunes issus d'un même quartier. Plus que de bande, terme qu'elle réserve à une organisation (au moins trois personnes) structurée et fixée sur un territoire, la police parle alors d'un "phénomène de bande".
"Il s'agit de groupes d'affinités, de pairs qui vont au même collège/lycée, habitent le même quartier, qui se font et défont au gré de l'actualité. Par exemple, si un mec du quartier se fait agresser par la cité d'en face", estime un responsable associatif habitué à travailler avec les jeunes des quartiers populaires de Paris.
Thiago confirme: "On cherche à défendre notre quartier, nos couleurs. C'est comme un club!"
"Il y a quelques leaders charismatiques et autour des personnes qui s'agrègent au gré des opportunités mais pas de structures avec un chef et ses lieutenants comme aux Etats-Unis", indique-t-on de source policière.
En participant aux affrontements, ces opportunistes se trouveraient ainsi valorisés: "Ca leur donne une reconnaissance dans leur quartier."
Caisse de résonance ou éléments déclencheurs des affrontements ou agressions, les réseaux sociaux servent aussi à se donner rendez-vous, "via Snapchat ou Whatsapp", explique Thiago.
Cela "complique les interceptions" de la police, précise la source policière et fait grossir les rangs des participants.
"Ils peuvent ainsi rameuter 30 ou 40 personnes en un quart d'heure", souligne le responsable associatif, pour qui le phénomène des bandes n'est cependant pas nouveau: "Souvenez-vous des blousons noirs", groupes de jeunes qui sévissaient à la fin des années 1950.
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