Il voulait être pompier, militaire ou policier. Mais à 30 ans, Rudy P. se retrouve dans le box des accusés de la cour d'assises de la Seine-Saint-Denis pour avoir tenté d'assassiner un homme pour le compte de son ex-conjointe, en 2017 dans la forêt de Bondy.
Sa cible, Jimmy C., s'en est sortie mais est restée paraplégique et ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant. Lui et plusieurs complices ont participé au plan ourdi par son ex-conjointe Amandine S., qui voulait l'éliminer pour mettre fin aux "violences" et à "l'emprise" qu'elle lui reprochait.
Rudy P. ne connaissait pas cette jeune femme, mais a accepté la besogne, via deux intermédiaires, contre une somme d'argent. La cour d'assises l'a entendu mercredi retracer son parcours de vie, aux nombreux aléas, qui éclaire les raisons qui l'ont poussé à accepter un rôle de tueur à gages.
A la barre, sa mère le présente comme un garçon "serviable, qui aide tout le temps, là pour les autres". "Il voulait suivre un peu les traces de son père", glisse-t-elle entre deux sanglots.
Le père de l'accusé, décédé en février dernier après une carrière d'agent de sûreté à la RATP, était toutefois ambivalent: derrière l'image du citoyen, le coeur sur la main, s'est dessinée celle d'un patriarche "autoritaire", voire violent avec son fils et sa fille, quand il se noie dans l'alcoolisme.
Ce père, pivot d'une famille séparée, nourrissait une passion pour les armes de tous types, du sabre à la baïonnette, exposées dans son salon.
Dès 8 ans, Rudy P. est inscrit au stand de tir, une des activités favorites de la famille. Adulte, il poursuivra cette pratique, possédant notamment un pistolet Beretta, avait déclaré son père dans ses auditions lues à l'audience.
L'arme du crime n'a, elle, jamais été retrouvée.
- "Image de héros" -Dans la famille paternelle, on est militaire de génération en génération: Rudy P., qui ne supporte plus les excès de colère de son père et rencontre de grosses difficultés scolaires, décide de suivre le même chemin. A 19 ans, il s'engage dans l'armée chez les parachutistes, où il démarre comme cuisinier.
"Etre militaire, pour moi c'était aller vers les autres, aider les gens" et "protéger la veuve et l'orphelin", explique-t-il à la barre. Plus qu'aux fourneaux, il se voit déjà "dans les milieux commandos", "un rêve de gamin" pour "une image de héros".
Mais des conflits familiaux, le décès d'un camarade militaire lors d'un entraînement qui le "meurtrit", sa descente aux enfers avec prise de cocaïne et son échec lors d'un concours pour passer au grade de caporal ont pourtant raison de ses aspirations. En 2015, Rudy P., au tempérament instable, quitte l'armée, qui ne lui renouvelle pas son contrat.
La précarité le cerne très vite: petits boulots, nécessité de subvenir aux besoins de sa compagne et de sa fille juste née le conduisent à accumuler des dettes.
La cour d'assises l'entendra plus tard sur les raisons qui l'ont poussé à accepter un projet d'assassinat. Devant les enquêteurs, il avait rapidement avoué sa participation, qu'il voyait plutôt comme un geste de bravoure pour sauver une femme "en danger", selon son avocate.
"Dans sa tête ce n'était pas carré, il y a quelque chose qui n'allait pas", confie sa soeur à la barre. Il "croyait tout ce qu'on lui disait", il était du genre "à croire, à faire confiance à tout le monde", a-t-elle assuré en le décrivant, ainsi que de nombreux proches, comme un homme "très influençable".
Le procès doit s'achever le 16 avril.
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