Reporters sans frontières a porté plainte contre le préfet de police de Paris, Didier Lallement, pour la troisième fois en deux mois, pour "violences volontaires aggravées contre une photojournaliste indépendante" lors de la "Marche des libertés" du 5 décembre, a annoncé l'ONG jeudi.
Outre M. Lallement, RSF a également porté plainte contre X, comme la journaliste blessée, "qui collabore régulièrement avec une agence de presse française" et préfère rester anonyme "par peur des représailles de la police", indique l'ONG, qui a transmis un certificat de dépôt de plainte à l'AFP.
Selon RSF, la photoreporter a été "agressée par les forces de l'ordre" alors qu'elle couvrait la manifestation parisienne contre la proposition de loi sécurité globale et son très controversé article 24 pénalisant la diffusion malveillante d'images des policiers.
"La journaliste s'est déplacée dans le sens de la foule pour laisser place à une charge de police", rapporte RSF. "Malgré cette précaution et son brassard presse bien visible, une grenade de désencerclement a atterri à ses pieds, puis une balle de LBD tirée à moins de dix mètres a touché son avant-bras droit, provoquant un large hématome et une paresthésie de la main (trouble du toucher: ndlr)" et nécessitant "un suivi médical", ajoute l'ONG.
"Déjà victime de deux autres tirs de LBD ces deux dernières années", la journaliste "a fait un signalement" auprès de l'IGPN, précise RSF.
"La récurrence des violences contre les journalistes couvrant les manifestations en France et la quasi routinisation de ces atteintes à la liberté de la presse ont de quoi inquiéter", a déclaré le responsable du bureau UE/Balkans de RSF, Pavol Szalai, cité dans le communiqué.
Les précédentes plaintes de RSF à l'encontre du préfet "remontent au 7 décembre, à la suite de l'agression (du photographe indépendant syrien) Ameer Al Halbi par les forces de l'ordre, et au 27 novembre après les violences subies par trois journalistes lors de l'évacuation" d'un camp de migrants place de la République à Paris, indique l'organisation.
De nouvelles manifestations sont prévues les 16 et 30 janvier par la coordination contre la loi "sécurité globale" et l'article 24, qui rassemble notamment des syndicats journalistes.
Dans une tribune publiée sur le site du Monde, le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire, et le bâtonnier du barreau de Paris, Olivier Cousi, se sont inquiétés de voir cet article 24 "malheureusement inclus" dans l'article 18 du projet de loi contre les séparatismes.
S'il vise à lutter contre la haine en ligne, cet article 18, en laissant "une place trop grande à l'interprétation", risque selon eux de conduire à des "arrestations +en flagrance+ abusives de journalistes par les forces de l'ordre".
Cette disposition pourrait "s'avérer pire pour les journalistes que l'article 24 parce qu'elle ne s'inscrirait pas dans la loi de 1881" sur la liberté de la presse, estiment-ils, appelant "le gouvernement et le législateur" à "envisager d'autres voies pour" protéger la population.
Ils suggèrent notamment de "compléter les articles de la loi de 1881 sur l'incitation et la provocation, en y ajoutant +la diffusion d'informations avec exhortation expresse à commettre des crimes et délits+".
La France occupe la 34e place sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.
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