L'Angola continue jeudi le décompte des voix dans des élections législatives qui décideront du prochain président, les premières estimations donnant l'avance au parti historique au pouvoir, face à une opposition plus forte que jamais.
Ancien parti unique tout-puissant, à la tête du pays depuis 1975, le MPLA comptabilise 60,6% des voix sur un tiers des votes dépouillés, selon les premiers résultats de la commission électorale. Son principal rival, l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita), en comptabilise 33,8%.
Les observateurs s'attendent à des résultats serrés, pour la première fois de l'histoire du pays, même si le président sortant Joao Lourenço, 68 ans, a une bonne chance d'emporter un second mandat. Le Mouvement populaire pour la libération de l'Angola (MPLA) semble en perte de vitesse, notamment auprès des jeunes et des oubliés de la croissance dans un pays plongé dans de graves difficultés économiques.
La domination du parti historique risque d'être sérieusement entamée, en fonction du score final, par une opposition revigorée par son leader, Adalberto Costa Junior, 60 ans. Surnommé "ACJ", il a réussi à élargir la base de l'Unita en s'alliant à d'autres partis.
Il n'y a pas d'élection présidentielle en Angola. Selon la Constitution, la tête de liste du parti qui remporte les législatives est investi chef d'Etat.
Au lendemain du scrutin, la population vaquait normalement à ses occupations dans la capitale Luanda. Le scrutin mercredi, qui a appelé quelque 14,4 millions d'électeurs aux urnes, s'est déroulé largement dans le calme, aucun incident n'a été signalé.
"Nous attendons les vrais résultats, j'ai encore de l'espoir", a confié à l'AFP, José Vieira Manuel, 28 ans, ingénieur dans la capitale Luanda.
- "La même histoire" -D'autres se montraient moins optimistes: "la commission électorale est complice du MPLA. Le pays ne va pas changer, c'est toujours la même histoire", a lâché Jorge, 40 ans, mécanicien qui dit avoir voté pour l'Unita.
Avec un parti au pouvoir qui a la main sur le processus électoral et les médias publics, l'opposition et une partie de l'opinion publique s'interrogent sur des possibilités de fraudes.
Les chiffres de la participation n'ont pas encore été donnés. Mais certains bureaux de vote, totalement vides, ont fermé avant la fin du scrutin fixée à 17H00 GMT, ont constaté des journalistes de l'AFP. Le dépouillement a commencé dans la soirée.
"Nous sommes confiants, calmes et tranquilles", a déclaré de son côtéAbel Chivukuvuku, un représentant de l'Unita lors d'une conférence de presse la nuit dernière.
Aux dernières élections de 2017, le MPLA avait remporté une confortable victoire avec 61% des voix. Le parti avait gagné 150 des 220 sièges du Parlement, soit plus des 2/3 nécessaires pour faire passer ses projets de loi sans le soutien d'un autre parti.
Pur produit du parti nourri au marxisme-léninisme, Joao Lourenço était devenu président. Il a surpris en s'affranchissant du système avec une vaste campagne anti-corruption, écartant des postes clefs les proches de son ancien mentor.
Il a mené des réformes ambitieuses, saluées à l'étranger, pour sortir d'une économie dépendante du pétrole et lancer des privatisations. Mais pour une grande partie des 33 millions d'Angolais, les promesses n'ont pas été tenues.
Beaucoup considèrent que la lutte contre la corruption a été instrumentalisée à des fins politiques. Et l'Angola, qui est le 2e producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne et l'un des principaux producteurs mondiaux de diamants, reste l'un des pays les plus pauvres du continent.
Inflation galopante, sécheresse sévère, chômage et vie chère nourrissent un ras-le-bol grandissant.
Avec des promesses de réformes et de lutte contre la pauvreté, "ACJ" séduit une jeunesse urbaine moins attachée au MPLA que ses aînés et qui hérite d'un pays miné par des décennies de corruption sous la présidence de José Eduardo dos Santos (1979-2017). Les 10 à 24 ans représentent un tiers de la population, selon des données des Nations unies.
Mort le mois dernier en Espagne, l'ancien chef d'Etat est accusé d'avoir détourné des milliards au profit de ses proches. Il doit être enterré dimanche.
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