Dans l'assassinat jeudi d'une directrice des ressources humaines, il y a eu "confusion entre l'individu et la fonction", estime Benoit Serre, vice-président de l'Association nationale des DRH, qui souligne auprès de l'AFP que les faits sont survenus au sein d'une profession "épuisée" par la gestion de crise.
L'auteur présumé du meurtre de cette DRH sur son lieu de travail en Ardèche, le même jour que celui d'une employée de Pôle emploi dans la Drôme, est aussi soupçonné d'une tentative d'assassinat contre un DRH, mardi dernier dans le Haut-Rhin.
QUESTION: Depuis jeudi, est-ce que les DRH ont fait part de leurs inquiétudes à votre association ?
RÉPONSE: "On a quelques remontées de DRH qui s'inquiètent. On a plutôt des remontées de DRH qui nous disent +j'ai été insulté ici, j'ai été pris à partie-là, mon nom a été balancé sur Twitter...+ Ils nous racontent les agressions verbales ou autres dont ils peuvent être victimes. Par exemple, une personne nous dit +en allant prendre ma voiture, je me suis fait insulter par quelqu'un parce que je lui avais refusé ceci ou cela+. Mais on n'a pas plus de cas qui remontent qu'avant. Et le fait d'être insulté ou quoi que ce soit, ce n'est pas tous les jours.
Le drame qui vient de se passer inquiète un peu les DRH parce qu'on va entrer dans une phase de crise économique épouvantable. On sait qu'on va devoir dans certains cas prendre des décisions économiques difficiles. Donc cette ambiance, ces tensions sociales font qu'on s'inquiète un peu.
On anticipe tous que les conséquences économiques, sociales et psychologiques de cette crise vont encore se retrouver sur notre bureau. Et, là, les niveaux des tensions dans les entreprises vont être absolument considérables, ça va être une gestion de crise sociale sur une crise psychologique."
Q: En tant que DRH, avez-vous vous-même connu des situations particulièrement tendues?
R: "Il m'est déjà arrivé d'avoir un comité d'entreprise envahi. Vous n'êtes pas à l'aise, vous avez une quarantaine de personnes, super énervées, ça peut déraper à tout moment.
Dans le drame de jeudi, ce qui sans doute nous choque le plus, selon les remontées qu'on a, c'est que ce sont des gens qui ont été assassinés du fait de leur métier. On a confondu l'individu et la fonction.
Le fait que le DRH devienne le bouc émissaire individuel et physique d'éléments de tension sociale liés à l'entreprise, ce n'est pas un truc banal. La première fois qu'il y a eu une telle confusion entre l'individu et la fonction, c'était lors de l'agression du DRH d'Air France (à la chemise arrachée en 2015, ndlr), dont tout le monde a parlé.
Mais les DRH ne font pas que gérer des licenciements. Notre métier n'est pas que ça. Les DRH passent plus de temps à embaucher, former, accompagner, éviter que ça parte de travers, repérer les signaux de burn-out, etc. C'est ça le coeur de notre métier."
Q: Après des mois de crise sanitaire, économique et sociale, comment vont les DRH?
R: "Ils sont sur le pont depuis le premier jour, depuis le premier confinement. Ils n'arrêtent pas depuis et ça va continuer. Ils ont dû gérer les protocoles sanitaires, le télétravail, la réorganisation de l'entreprise, le retour des gens au travail, rassurer les gens, informer les syndicats, préparer les conséquences budgétaires de la crise, confiner, déconfiner, reconfiner, gérer le couvre-feu, les attestations, la mise en chômage partiel. C'est ça leur quotidien.
On alerte très clairement sur la dégradation de leur moral. C'est très préoccupant.
Avec la crise, notre ligne téléphonique de soutien Écoute RH est assez utilisée parce qu'ils sont cuits les RH, fatigués. Il n'y a pas eu une explosion des appels à cause des assassinats, mais depuis novembre, on a de plus en plus d'appels de collaborateurs qui n'en peuvent plus. Ils sont épuisés."
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