"Non, nous ne sommes pas prêts": l'association des juges d'application des peines (Anjap) critique vendredi dans un communiqué le projet d'Eric Dupond-Moretti de supprimer les remises automatiques de peines pour les détenus et appelle à "une réforme d'une tout autre nature".
Le garde des Sceaux avait annoncé mercredi la suppression du crédit de réduction de peine, qui figure dans l'avant-projet de loi "pour la confiance dans l'institution judiciaire". Ce texte, encore "en cours de rédaction selon la Chancellerie, doit être présenté mi-avril en Conseil des ministres.
Depuis 2004, le dispositif octroie une réduction de peine à chaque personne condamnée entrant en détention - à l'exception de celles qui le sont pour terrorisme: trois mois la première année, deux mois les années suivantes, et pour les peines inférieures à un an, sept jours par mois. Ces crédits sont retirés en cas de mauvaise conduite ou d'incidents en détention.
Selon la réforme, le juge de l'application des peines (JAP) pourra accorder des réductions de peines allant jusqu'à six mois par année de détention (ou deux semaines par mois pour les peines inférieures à un an) pour les condamnés ayant "donné des preuves suffisantes de bonne conduite ou qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion".
Pour Eric Dupond-Moretti, il s'agit d'"en finir avec l'hypocrisie" d'un système dont le seul but est de "réguler la population carcérale, sans le dire". "J'ai rencontré les JAP pour évoquer cette réforme, ils sont prêts", avait assuré le ministre sur France Inter.
"Non, Monsieur le ministre, nous ne sommes pas prêts", répond l'Anjap. L'association "appelle à une réforme d'une tout autre nature", "au moment où la France est sous le coup d'une condamnation de la Cour européenne des droits de l'Homme qui lui enjoint de mettre un terme à la surpopulation carcérale et aux conditions indignes de détention".
"Ce crédit de réduction de peine est aujourd'hui décrié car il serait à la fois trop visible et trop prévisible", explique l'association des JAP. "C'est pourtant là son principal intérêt. Il permet au condamné (...) de connaître sa date de libération assez tôt dans l'exécution de sa peine et ainsi préparer son projet de sortie".
L'Anjap fait valoir que le dispositif actuel "permet aussi de sanctionner rapidement un condamné à la suite d'un incident disciplinaire".
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