Repoussées, parfois négligées, mais désormais attendues comme une répétition générale à moins d'un an de la présidentielle : les élections régionales de juin mettront à l'épreuve des urnes la solidité du "barrage au RN" qui s'effrite dans les sondages.
L'épidémie de coronavirus ayant bousculé le calendrier électoral, les régionales et les départementales, initialement prévues en mars, auront lieu les 13 et 20 juin, comme l'avait prôné l'ancien président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, dans un rapport rendu au gouvernement à la mi-novembre.
A vrai dire, il n'y avait guère d'autre choix possible pour que ces scrutins n'empiètent pas sur la campagne de la présidentielle de mai 2022, à moins de les repousser à la fin de l'année prochaine comme l'avait un temps évoqué Emmanuel Macron, ce qui posait des problèmes de "constitutionnalité" soulignés par M. Debré.
La cause n'est toutefois pas entendue. "Elles peuvent très bien être encore reportées compte tenu du contexte sanitaire", affirme à l'AFP Renaud Muselier, président de Régions de France et de la région Paca, rappelant qu'une "clause de revoyure" permet encore de repousser les scrutins si les conditions sanitaires l'exigent.
Ces incertitudes jouent avec les nerfs des candidats et les partis d'opposition, qui trépignent d'impatience pour utiliser les régionales comme lampe de lancement vers l'Elysée.
A droite, les présidents Xavier Bertrand (Hauts-de-France), Valérie Pécresse (Ile-de-France) ou encore Laurent Wauquiez (Rhône-Alpes-Auvergne) pourraient utiliser ces scrutins comme un tremplin pour la présidentielle.
A gauche, si Audrey Pulvar, investie notamment par le PS et le PRG, obtient un bon résultat en Ile-de-France, elle ouvrirait la voie à une candidature présidentielle de la maire (PS) de Paris Anne Hidalgo. Quant aux Verts, ils espèrent que la vague verte des municipales l'an dernier déferlera à son tour sur les régions.
- Situation "incertaine"Après la publication depuis le début de l'année de deux sondages de l'institut Harris Interactive qui révèlent une démobilisation des électeurs de gauche pour soutenir Emmanuel Macron au cas où il serait à nouveau opposé à Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, le scrutin de juin permettra aussi de vérifier si le "front républicain" tient toujours le coup.
Lors des précédentes élections en 2015, la gauche s'était retirée au second tour dans les Hauts-de-France et en Provence-Alpes-Côte-d'Azur, afin d'empêcher respectivement Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal Le Pen de s'y imposer.
"Nous sommes dans une situation plus incertaine qu'en 2015, même si le retrait il y a six ans n'allait déjà pas de soi", affirme à l'AFP le politologue Gilles Finchelstein, directeur de la Fondation Jean-Jaurès.
"Difficile de nous demander de nous sacrifier deux fois de suite", murmure-t-on à gauche avant une élection qui permet de se maintenir avec plus de 10% des voix au premier, mais aussi de fusionner avec d'autres listes.
Pour Jean-Daniel Lévy, directeur délégué d'Harris Interactive, il existe "un double mouvement. D'une part, une croissance de l'appétence à voir le RN exercer des responsabilités et, d'autre part, toute une partie de l'électorat qui dit +nous n'irons pas au second tour+".
Une "démobilisation" qui concerne essentiellement la gauche, même si à ses yeux "le phénomène n'est pas nouveau, mais a tendance à s'accélérer". Lors des municipales de l'an dernier, "des villes comme Perpignan ont vu la victoire du RN sans que cela suscite le moindre émoi", constate M. Lévy.
Du côté des politiques, à l'exception de Jean-Luc Mélenchon qui campe sur sa position de 2017 en assurant ne pas vouloir donner de consigne de vote en cas de duel Macron/Le Pen, le front républicain reste uni.
D'Anne Hidalgo au président (LR) du Sénat, Gérard Larcher, en passant par l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot ou encore le patron des députés LREM Christophe Castaner, tous l'ont défendu cette semaine.
"Mais il est important de distinguer ce que disent les partis politiques de ce que font les électeurs", tempère M. Finchelstein.
Quant à M. Lévy, il n'estime "pas impossible" que le RN s'impose dans l'une des 13 grandes régions nées de la grande réforme menée sous le quinquennat de François Hollande.
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