Annoncé par Emmanuel Macron en pleine polémique sur les violences policières, le "Beauvau de la sécurité", grande concertation nationale sur la police, s'ouvre lundi avec l'espoir de consolider une confiance érodée entre les Français et une institution secouée par les critiques.
Le chef de l'Etat, dont la politique régalienne est souvent vue comme un angle mort de son action, a fait de la sécurité une des priorités de la fin de son quinquennat et ce "grand débat" sur la police, prévu pour durer quatre mois, s'inscrit dans cette stratégie.
L'annonce début décembre du "Beauvau", du nom de la place où est situé le ministère de l'Intérieur, était intervenue dans un contexte explosif, mêlant contestation de la loi Sécurité globale, colère policière après la reconnaissance par le président de la République de l'existence de contrôles au faciès et, surtout, le passage à tabac du producteur de musique Michel Zecler.
Si Emmanuel Macron avait assuré qu'il "interviendrait personnellement" au cours des débats, probablement lors de leur clôture prévue en mai, c'est à Jean Castex que revient la tâche d'en donner le coup d'envoi lundi, lors d'une visioconférence depuis le ministère de l'Intérieur.
Le Premier ministre insistera sur "l'objectif de renforcer le lien entre la population et la police", "la conciliation des opérations de police et la liberté fondamentale d'informer" et le "devoir d'exemplarité" des forces de l'ordre, a confié son entourage à l'AFP.
Ces discussions doivent accoucher de "7 ou 8 propositions très fortes que je proposerai au président de la République", a indiqué cette semaine Gérald Darmanin.
Malgré un agenda très serré, soumis aux aléas de la crise sanitaire, le ministre de l'Intérieur compte présenter "une grande loi" d'orientation de programmation de la sécurité intérieure (Lopsi), avant l'élection présidentielle de 2022.
"C'est une consultation sans précédent, donc cela peut être utile à condition qu'il y ait une place pour les sujets les plus importants et qui fâchent", souligne Sebastian Roché, chercheur au CNRS et spécialiste des rapports police-population.
"Cela dépendra aussi de qui tiendra le stylo. Si les universitaires, les associations qui contestent le fonctionnement de la police, ne sont pas associés à la rédaction, on connaît déjà les conclusions", ajoute-t-il.
- "Sortir de l'hystérie" -Les débats, retransmis en direct, réuniront tous les quinze jours syndicats de police, gendarmerie, élus, avocats ou personnalités et s'articuleront autour des "sept péchés capitaux" exposés par Gérald Darmanin fin novembre à l'Assemblée nationale.
Les réunions doivent débuter le 8 février sur le thème des relations entre forces de l'ordre et population, à l'heure où la confiance en la police s'est effritée selon de récents sondages.
Les problèmes d'encadrement des jeunes gardiens de la paix, jugé déficient notamment en Île-de-France, seront abordés le 22 février.
La durée de la formation initiale, réduite de 12 à 8 mois depuis juin - "une erreur fondamentale", selon Darmanin - et l'insuffisance de la formation continue - seuls 20% des policiers effectuent leurs 12 heures réglementaires annuelles -, seront discutées en mars.
Viendra ensuite, la relation à l'autorité judiciaire, un thème ajouté à la demande du syndicat Alliance, qui estime la réponse pénale insuffisante.
En avril et mai viendront sur la table les sujets du maintien de l'ordre, des moyens humains et matériels et des inspections, notamment l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) ou "police des polices", régulièrement accusée de manquer d'indépendance.
Ces débats s'accompagneront de "30 déplacements" de Gérald Darmanin dans des villes de France, à la rencontre notamment des policiers et gendarmes locaux.
Côté syndicats, les sentiments sont mêlés d'espoir et de prudence. "On reste méfiants car on a déjà connu le Livre Blanc qui n'a rien donné", met en garde Fabien Vanhemelryck, secrétaire général du syndicat Alliance, attentif que ce que les débats ne "se transforment en campagne électorale".
Grégory Joron, d'Unité-SGP-FO, attend lui aussi que ces concertations débouchent sur "une loi de programmation ambitieuse avec un budget dédié".
Thierry Clair, de l'UNSA, espère de son côté que les échanges permettront de "sortir de l'hystérie collective qui remet en cause toute la profession lorsque certains commettent des manquements".
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