Olivier a tout juste 30 ans et dès qu'il parle de son métier de commissaire, son visage s'éclaire. Pourtant, il officie dans un domaine cruel et éprouvant psychologiquement, celui de l'anti-terrorisme, au sein de la SDAT.
Alors que la formation des policiers est un des sujets cruciaux du "Beauvau de la sécurité", Olivier fait figure d'exception, parce qu'il est formé en continu, dans un service doté de moyens techniques et humains conséquents.
Sorti en 2018 de l'école des commissaires, il a exercé deux ans dans un commissariat de province comme numéro 2, avant d'intégrer en juillet 2020, la sous-direction de l'anti-terrorisme (SDAT), un service prestigieux, exigeant et éminemment stratégique.
Et trois mois plus tard, il était le premier, accompagné d'un officier et d'un gardien de la paix, à se rendre à Conflans Saint-Honorine (Yvelines) où venait d'être décapité Samuel Paty, pour effectuer les premières constatations.
Y était-il préparé? Sa formation était-elle suffisante pour affronter une scène aussi terrible?
"C'est une vocation, dit-il. En postulant à la SDAT, vous savez que vous aurez à enquêter sur des choses qui sortent de l'ordinaire. Alors, vous vous préparez à travailler sur des affaires hors norme". La sélection est féroce et le fait que sa candidature ait été retenue le surprend encore, compte tenu de sa jeunesse.
Sur le lieu de l'attentat, explique-t-il, "l'enjeu est de recenser un maximum d'informations le plus rapidement possible". "En une heure, il faut faire un tableau assez schématique de ce qu'il s'est passé".
"En priorité, on s'intéresse à l'auteur, car son identification est l'urgence absolue pour pouvoir remonter à d'éventuels complices". Il décrit méticuleusement ces premières heures à Conflans, ne laisse transparaître aucune fébrilité, aucun affect.
"On entre dans un long tunnel de l'enquête en flagrance. Plus rien ne compte que d'aller vite, être méthodique", poursuit le jeune commissaire. Ce premier "tunnel", après l'assassinat de Samuel Paty, a duré "cinq jours" pendant lesquels, Olivier et autres enquêteurs n'ont dormi que quelques petites heures par ci par là. "Plus rien ne compte que l'enquête", dit-il.
- "Ne rien laisser au hasard" -Olivier reconnaît que, compte tenu de l'effroi suscité par cet attentat, la pression était forte sur les enquêteurs. Mais, ajoute-il, c'est "une donnée qui est intégrée" par les membres de la SDAT, car il en va ainsi à chaque attentat.
Olivier dit qu'il était "un peu dans le bain" avant de devoir enquêter sur l'assassinat de Samuel Paty, grâce à son adjoint qui a suivi "tous les attentats depuis quatre ans", "Et puis, vous n'êtes pas seuls. C'est une équipe qui est sur le terrain et tout s'organise très vite".
Chaque semaine, le patron de la SDAT, Frédéric Doidy, organise des simulations, avec salle de crise, etc. Si bien que chacun sait automatiquement ce qu'il doit faire dès que survient un attentat. Le contrôleur général est particulièrement "fier" de son service et ne cache pas sa "satisfaction" devant la rapidité avec laquelle il "se reconfigure en ateliers" dans ces moments-là.
La SDAT compte 200 enquêteurs spécialisés, et quatre divisions (enquête; surveillance et filature; administration; analyse, stratégie et renseignement). Elle dépend de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et travaille étroitement avec la Direction générale du renseignement intérieur (DGSI). D'ailleurs, les deux services sont regroupés dans le même ensemble bunkerisé de bâtiments, à Levallois-Perret, en banlieue parisienne.
Depuis 2015, "90% des dossiers sont des dossiers de terrorisme islamiste", explique Frédéric Doidy, qui met l'accent sur la prééminence de la "menace endogène", les départs de France de candidats au Jihad étant devenus "un épiphénomène".
La consigne du patron de la SDAT à ses troupes: "ne rien laisser au hasard, toutes les pistes doivent être explorées". Il leur demande "exigence et rigueur".
"Il faut être maximaliste dans son approche de l'enquête", poursuit-il, en concédant qu'il s'agit d'un objectif. Les moyens sont là, à la SDAT "de donner le meilleur".
S'agissant de la formation, Olivier ne prétend pas tout savoir. Il a "à coeur d'avoir un niveau technique élevé pour suivre le travail des spécialistes et le comprendre", mais il "n'est pas spécialiste de tout".
A la SDAT, une cellule psychologique est présente pour ceux qui le souhaitent. Mais, confient des enquêteurs, le débriefing opérationnel se révèle souvent une "soupape" suffisante.
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