Deux jours après l'accident du métro de Mexico, qui a fait 25 morts, les allégations de mauvaise gestion administrative de ce transport public ébranle la gauche au pouvoir.
Et pendant que les critiques fusent, les grues sont à l'oeuvre pour dégager le site de l'accident dans une zone très pauvre du sud de la capitale où les familles des victimes ont commencé à enterrer leurs proches.
"Je n'ai pas de mots pour décrire la douleur. Je ne suis pas en colère, et ce n'est pas la justice de l'argent qui me ramènera mon père", se lamente Luis Adrian Hernandez qui pleure son père mort dans l'accident.
Des curieux sont toujours massés derrière des barrières posées autour du lieu de la tragédie et observent les ouvriers au travail tandis que 38 blessés sont toujours hospitalisés.
- "Justice sera faite"-
"Justice sera faite", a promis mercredi le président Andres Manuel Lopez Obrador (AMLO) devant la presse. "Rien ne sera plus comme avant", a-t-il insisté sans plus de détails.
Des propos qui risquent de ne pas suffire pour apaiser la tempête soulevée par cette tragédie qui a ému le monde entier, suscitant même un communiqué de la Maison Blanche dans lequel le président Joe Biden propose aux Mexicains "l'assistance des Etats-Unis".
Dans l'oeil du cyclone, deux dirigeants proches du président AMLO: l'actuel ministre des Affaires étrangères Marcelo Ebrard, qui a développé et inauguré la ligne en 2012 en tant que maire de la capitale, et Claudia Sheinbaum, qui occupe actuellement ce poste.
Tous deux semblaient pourtant les mieux placés des candidats du parti Morena qui se présenteront à la succession d'AMLO pour les présidentielle de 2024.
Ebrard, 61 ans, a joué un rôle de premier plan dans l'achat de vaccins contre le Covid-19, tandis que Sheinbaum, 58 ans, s'auréole que Mexico affiche de très bons résultats face à la pandémie avec seulement 20% d'occupation des lits des services intensifs de la capitale.
L'accident survient aussi un mois avant les législatives du 6 juin durant lequel le parti Morena, au pouvoir depuis 2018, jouera sa majorité à la Chambre des députés.
"Cette catastrophe est incontestablement exploitée sur le terrain politique", explique à l'AFP l'analyste Hernan Gomez Bruera.
La ligne 12 réputée "maudite" et qui s'est effondrée au passage d'une rame de métro "était le joyau d'Ebrard mais il a volé en éclats", constate pour l'AFP l'analyste Martha Anaya.
La presse mexicaine se charge depuis 48 heures de rappeler le dépassement de 70% du coût initial du projet inauguré en 2012 pour un total de 1,2 milliard de dollars, et les défaillances constatées dès sa mise en oeuvre.
Pour Mme Anaya, les critiques sont d'autant plus fortes que AMLO a montré "peu d'empathie" pour les victimes et ne s'est pas rendu dans la zone sinistrée, ni n'a envoyé "un message de condoléances".
"Le problème de Lopez Obrador est qu'il ne sait pas comment réagir aux tragédies impliquant son peuple, et là il n'a personne à blâmer. Il ne peut tout de même pas mettre les 25 morts sur le compte du néolibéralisme", poursuit-elle.
Les résultats de l'enquête ouverte par le bureau du Procureur et de l'expertise indépendante du cabinet norvégien Det Norske Veritas risquent aussi de mettre à mal le président et son parti qui ont promis de lutter contre la corruption profondément ancrée dans le pays.
- "Motivations politiques" -
Pour se défendre d'être lui aussi corrompu, M. Ebrard a assuré que sa responsabilité administrative dans le projet avait pris fin en 2013 et que derrière les accusations se cachaient des "motivations politiques".
"Sheinbaum a également eu deux ans et demi pour revoir la structure. Les riverains se plaignaient qu'il y avait des problèmes et elle aurait dû ordonner un examen approfondi", estime Gomez Bruera.
Tentant de faire bonne figure, Mme Sheinbaum s'est refusé mercredi à parler de l'impact éventuel de l'accident sur sa carrière politique.
"Il serait très mesquin de penser maintenant à une question politique", a-t-elle déclaré.
L'analyste politique Martha Anaya exclut toutefois toute répercussion électorale immédiate.
"Peut-être qu'à Tláhuac, le quartier où s'est produit l'accident, cela va soustraire des voix, mais c'est tout", a-t-elle estimé.
La ville de Mexico, qui compte 9,2 millions d'habitants, est gouvernée depuis 1997 par la gauche.
Les autorités ont également entamé un examen des lignes de métro qui passent au-dessus des ponts, notamment en raison du sous-sol boueux de Mexico où les tremblements de terre de la ceinture de feu du Pacifique sont violents.
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