Deux journalistes qui dénonçaient une entrave à la liberté d'informer après avoir été tenus à distance de l'évacuation de camps de migrants dans le Nord et le Pas-de-Calais ont été déboutés mardi par le tribunal administratif de Lille, leurs avocats dénonçant un "blanc-seing" donné à l'opacité.
Saisi d'un recours en référé-liberté par ces journalistes indépendants, soutenus par le Syndicat national des journalistes (SNJ), le tribunal a estimé que l'urgence à agir n'était pas caractérisée, les évacuations de campements étant "terminées".
La décision, dont l'AFP a consulté une copie, souligne que les deux journalistes, qui se plaignaient de ne pas avoir pu pénétrer, à cinq reprises les 29 et 30 décembre, dans les périmètres de sécurité entourant des opérations d'évacuation à Calais, Grande-Synthe et Coquelles, "ne font état d'aucune nouvelle intervention d'évacuation en cours à la présente date ou à venir, à laquelle ils envisageraient d'assister et qu'au surplus, il est indiqué en défense que les évacuations sont terminées".
"Cette décision évacue assez intelligemment la question du fond qui aurait pu faire jurisprudence", a réagi auprès de l'AFP l'un des requérants, Louis Witter - le pseudonyme de ce jeune photojournaliste.
Il avait diffusé sur son compte twitter des photos, devenues virales, montrant à Grande-Synthe une personne en combinaison lacérant une tente de migrant.
Pour les avocats de M. Witter et de son collègue Simon Hamy, ainsi que du SNJ, Me William Bourdon et Vincent Brengarth, le tribunal a "trouvé une parade parce qu'il y avait manifestement un embarras sur le fond du dossier".
Déplorant "un blanc-seing donné à une situation d'opacité", ils jugent "la déception d'autant plus forte dans une période marquée par une dérive autoritaire et une constante augmentation du pouvoir des forces de l'ordre, où l'on attend du juge qu'il joue le rôle de garde-fou".
Les avocats, pour qui ce recours serait une première en France, disent réfléchir à un recours devant le Conseil d'État.
"Un périmètre de sécurité, c'est quelque chose de tout à fait classique", avait insisté lundi lors de l'audience le sous-préfet de Dunkerque Hervé Tourmente, estimant que l'enjeu principal était d'"éviter tout suraccident", alors que des armes peuvent être présentes.
Interrogé par la présidente sur la probabilité de nouvelles évacuations, le sous-préfet de Calais Michel Tournaire avait répondu que des opérations en flagrance pour occupation illicite avaient lieu "toutes les 48 heures".
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