La Corée du Nord a brusquement rompu vendredi ses relations diplomatiques avec la Malaisie, mettant ainsi un terme à la relation privilégiée qu'elle entretenait avec Kuala Lumpur jusqu'à l'assassinat en 2017 du demi-frère du dirigeant Kim Jong Un.
Le ministère nord-coréen des Affaires étrangères a justifié cette décision par l'extradition le 17 mars, par les autorités malaisiennes, d'un de ses ressortissants vers les Etats-Unis, y voyant un "crime impardonnable" commis "avec servilité face aux pressions américaines".
Jusqu'au meurtre de Kim Jong Nam, il y a quatre ans, la Malaisie était un des seuls pays alliés de la Corée du Nord, isolée à cause de son programme nucléaire. Le demi-frère du dirigeant nord-coréen, également un détracteur du régime, est mort après avoir reçu sur le visage un agent neurotoxique à l'aéroport de Kuala Lumpur.
Cet assassinat avait largement été imputé par la Corée du Sud au Nord. Pyongyang a démenti.
Les relations s'étaient ensuite progressivement améliorées, la Malaisie décidant de rouvrir son ambassade à Pyongyang.
L'annonce de vendredi met fin à ce réchauffement.
Selon un communiqué diffusé par l'agence officielle KCNA, le ministère nord-coréen des Affaires étrangères "annonce la rupture totale de ses relations diplomatiques avec la Malaisie".
Son homologue malaisien, qui "regrette profondément" cette initiative et a ordonné à tous les diplomates nord-coréens de quitter le pays sous 48 heures, "dénonce cette décision inamicale et non constructive, qui ne respecte pas l'esprit de respect mutuel et de bonnes relations de voisinage parmi les membres de la communauté internationale".
Mun Chol Myong, le ressortissant nord-coréen visé par l'extradition, se livrait "à des activités de commerce extérieur légitimes à Singapour", a affirmé l'agence nord-coréenne.
Le ministère malaisien a lui défendu l'extradition, expliquant qu'elle n'avait été effectuée qu'après épuisement de tous les recours de l'intéressé et critiquant la Corée du Nord pour avoir fait pression afin que Kuala Lumpur intervienne dans l'affaire.
Cette rupture intervient au lendemain de la visite en Corée du Sud de deux hauts responsables américains de la nouvelle administration Biden.
Le secrétaire d'Etat Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin effectuent une tournée en Asie afin de renforcer les liens de Washington avec ses partenaires traditionnels dans la région face à la Corée du Nord et à la Chine.
- Blanchiment d'argent -
Le 9 mars, Mun Chol Myong avait vu son dernier recours rejeté contre l'extradition vers les Etats-Unis, où il devra répondre de blanchiment d'argent.
M. Mun, la cinquantaine, vivait en Malaisie depuis une décennie quand il avait été arrêté en 2019 suite à une demande d'extradition de Washington.
Devant la justice, il a rejeté les accusations du FBI (police fédérale américaine) selon lesquelles il dirigeait un groupe criminel chargé d'exportations vers la Corée du Nord, en violation des sanctions internationales, et qui aurait aussi blanchi des fonds via des sociétés écrans.
Il est accusé de quatre chefs de blanchiment d'argent et de deux chefs de complot visant à blanchir de l'argent dans le cadre de son travail à Singapour, selon ses avocats.
Les autorités n'ont pas indiqué quels biens il a exporté illégalement en Corée du Nord. D'autres affaires ont dans le passé révélé des exportations d'alcools, de montres et d'autres produits de luxe.
Une importante présence policière a été déployée vendredi devant l'ambassade nord-coréenne à Kuala Lumpur, que de nombreux journalistes sont venus filmer après l'annonce de Pyongyang.
Pour Shahriman Lockman, expert en politique étrangère au sein de l'Institut international d'études stratégiques à Kuala Lumpur, les autorités malaisiennes "verront probablement que cela fait partie du signal diplomatique envoyé par la Corée du Nord aux États-Unis, ce qui présage d'une montée progressive des tensions entre Pyongyang et Washington".
La Malaisie et la Corée du Nord entretenaient des relations particulièrement cordiales jusqu'en 2017 mais après l'assassinat de M. Kim, les deux pays ont expulsé leurs ambassadeurs respectifs et supprimé l'accord réciproque d'exemption de visa pour les visiteurs.
En décembre 2020, la Corée du Nord possédait des ambassades dans environ 25 pays, parmi lesquels Cuba, l'Iran, l'Allemagne et son principal allié, la Chine, selon Séoul.
Pyongyang est depuis longtemps accusée d'utiliser ses représentations diplomatiques pour faire du renseignement, du blanchiment d'argent et enfreindre les sanctions internationales.
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