L'Inspection générale de la justice, saisie d'une enquête administrative contre trois magistrats du parquet national financier (PNF) ayant valu au garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti des accusations de conflit d'intérêts, a remis ses conclusions au Premier ministre, a indiqué mardi Matignon.
Après des semaines de polémique à l'automne, dans une affaire où il était soupçonné d'être juge et partie, Eric Dupond-Moretti avait annoncé qu'il laisserait Jean Castex décider des suites à donner à cette enquête administrative, lancée le 18 septembre à l'encontre de ces magistrats du parquet anticorruption, dont son ancienne cheffe Eliane Houlette.
Et le ministre de la Justice avait été officiellement écarté de cette enquête et de toutes les affaires en lien avec ses anciennes activités d'avocat, en vertu d'un décret de "déport" paru le 24 octobre au Journal officiel.
"Le Premier ministre recevra la mission d'inspection dans le cadre d'une réunion de restitution le 15 février prochain, pour échanger sur ses conclusions", a annoncé Matignon dans un communiqué.
Jean Castex "prendra dans les jours suivants sa décision sur les suites à donner, décision qu'il portera à la connaissance de chaque magistrat concerné, avant de la rendre publique", poursuit le communiqué.
L'enquête administrative avait été ouverte trois jours après la remise d'un rapport sur une enquête sujette à polémique du PNF, qui a épluché les relevés téléphoniques de plusieurs ténors du barreau, dont Eric Dupond-Moretti, pour tenter d'identifier la "taupe" ayant pu informer Nicolas Sarkozy et son avocat qu'ils étaient sur écoute, dans une affaire de corruption présumée.
Vilipendant alors des "méthodes de barbouzes", Eric Dupond-Moretti avait porté plainte, plainte retirée le soir de sa nomination comme garde des Sceaux.
Le rapport de l'IGJ, commandé par sa prédécesseure Nicole Belloubet, dédouane globalement le PNF mais relève des dysfonctionnements de procédure.
Eric Dupond-Moretti avait justifié sa décision d'ouvrir une enquête administrative, le ministère ayant estimé que les faits reprochés aux magistrats étaient "susceptibles d'être regardés comme des manquements au devoir de diligence, de rigueur professionnelle et de loyauté".
Cette enquête, et la publication des noms des trois magistrats mis en cause, a provoqué un tollé au sein de la magistrature et une fronde dans une centaine de juridictions pour dénoncer un "conflit d'intérêts".
Les tensions entre le garde des Sceaux et les syndicats de magistrats n'ont fait depuis que s'accentuer, jusqu'à une plainte déposée par ces derniers devant la Cour de justice de la République (CJR), seule instance habilitée à juger des ministres pour des infractions commises dans l'exercice de leurs fonctions.
La CJR a ouvert mi-janvier une information judiciaire pour "prise illégale d'intérêts" à l'encontre d'Eric Dupond-Moretti, qui a estimé n'avoir "rien à craindre".
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