L'expulsion d'un avocat par des policiers après un incident d'audience à Aix-en-Provence autour du renvoi éventuel du cas d'un prévenu positif au Covid-19, a suscité vendredi de vives réactions de la profession qui a dénoncé le "mépris" et le "comportement inacceptable" du président de l'audience.
"Le pouvoir de police de l'audience qu'un président de tribunal correctionnel tire de l'article 401 du code de procédure pénale n'est pas un pouvoir arbitraire", fustige dans une motion adoptée vendredi le Conseil national des barreaux.
Le président du tribunal a "manifesté un mépris à l'encontre de la profession d'avocat et des règles à suivre pour un procès équitable", déplore aussi le Conseil dont le président Jérôme Gavaudan a annoncé qu'il allait "saisir" le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti.
Le tribunal d'Aix-en-Provence devait juger jeudi et vendredi 11 prévenus dans un dossier de trafic de drogues. Sur place jeudi, Paul Sollacaro, l'avocat de l'un d'eux, a voulu obtenir la disjonction de son cas parce qu'il avait passé un test PCR positif mais le président a refusé cette disjonction et s'est également opposé à ce que le prévenu se présente au tribunal. Le procureur suggérait de son côté que Me Sollacaro représente son client.
Selon des avocats présents à l'audience, la situation s'est ensuite envenimée et, dans la confusion et après des échanges vifs, le président de l'audience a demandé l'intervention de la police pour faire sortir Me Sollacaro.
Cette expulsion a provoqué un vif émoi chez les avocats et Me Sollacaro a reçu de nombreux soutiens, y compris du monde politique corse.
L'Union des jeunes avocats et le Syndicat des Avocats de France, via leurs antennes locales, ont ainsi fustigé "l'usage intolérable de la force et l'expulsion d'une avocat dans l'exercice de sa mission". Les barreaux d'Ajaccio, Nice ou Marseille ont également protesté.
"Cette situation inacceptable est d'autant plus choquante qu'elle est intervenue suite au refus du tribunal de renvoyer le procès d'un prévenu positif au Covid-19", a aussi déploré l'Association des avocats pénalistes.
"Je pense que c'est un dérapage mais ce n'est pas acceptable: on ne peut pas s'emparer d'un avocat en robe à une audience et le faire sortir manu militari. (...) On ne touche pas à la robe d'un avocat!", a réagi auprès de l'AFP Thierry Troin, bâtonnier de Nice, qui devrait participer vendredi en début d'après-midi à un rassemblement devant le palais de justice d'Aix-en-Provence.
Dans le dossier dont l'examen devait se poursuivre, le bâtonnier d'Aix-en-Provence devait quant à lui se commettre d'office pour l'ensemble des prévenus et demander le renvoi de toute l'affaire.
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