L'un allait devenir père pour la première fois, un autre devait téléphoner à l'heure du déjeuner: des proches brisés racontent le dernier contact avec des personnes disparues dans une crue subite qui a dévasté une vallée himalayenne du nord de l'Inde.
Depuis la catastrophe dimanche, plus de 170 personnes sont portées disparues dans l'État himalayen de l'Uttarakhand, légèrement plus petit que la Suisse. Seuls 32 corps ont été retrouvés à ce jour.
Une énorme masse d'eau a déferlé sur la vallée, détruisant tout sur son passage, submergeant un complexe hydroélectrique et emportant des routes et des ponts.
Le phénomène a été imputé à la rupture d'un glacier due au réchauffement climatique, mais la construction de barrages, le dragage du lit des cours d'eau pour en extraire le sable destiné à l'industrie du BTP ou encore les abattages d'arbres pour faire place à de nouvelles routes figurent aussi parmi les hypothèses de l'origine du drame.
Quatre jours sont passés sans nouvelles des êtres chers, mais les familles continuent d'espérer qu'ils sont encore en vie, peut-être coincés dans un tunnel plein de boue que les sauveteurs s'escriment à fouiller péniblement.
Rawal Silsiwal, un soudeur de 27 ans, originaire de Rishikesh dans l'Uttarakhand, devait prendre 20 jours de congés pour accueillir la naissance de son premier enfant le mois prochain.
"Il était tellement heureux à l'idée de cet enfant, il comptait les jours", raconte son oncle Vinod Pokhriyal. "Sa femme ne survivra pas au choc de sa perte et cela nous inquiète pour l'enfant."
- "J'attendrai son appel" -
Santosh Yadav, 36 ans, de Devaria dans l'Etat voisin de l' Uttar Pradesh, a parlé pour la dernière fois par téléphone avec son père Ramesh à 09h45 dimanche matin avant d'entrer dans le tunnel.
"Il a promis de rappeler à 12h30 mais vers midi, j'ai vu les inondations aux informations...", se souvient le père. "J'attendrai son appel jusqu'à mon dernier souffle".
Nombre de victimes étaient venues de partout en Inde pour travailler dans ce complexe hydroélectrique et ses barrages, comme il en existe beaucoup dans l'Uttarakhand.
Basharat Ahmad Zargar, 53 ans, est venu de Srinagar, au Cachemire indien, pour diriger l'entreprise qui gère la centrale hydroélectrique de Rishiganga.
Son compte Whatsapp indique une dernière connexion à 10H25 dimanche. Il a disparu en même temps que 40 de ses ouvriers, emportés par le mur d'eau qui s'est abattu sur la centrale.
"Je lui ai parlé à 10H00 (dimanche). Dans l'heure qui a suivi nous avons entendu la nouvelle de l'inondation, je l'ai rappelé aussitôt mais son numéro ne répondait plus", raconte son frère Shabir. "Il n'y a plus trace de la centrale et j'ignore si nous retrouverons son corps un jour."
Vijay Kumar Singh, 24 ans, de Gorakhpur, en Uttar Pradesh, avait manqué le travail la veille, il n'était pas en forme et rattrapait sa journée en ce dimanche fatidique.
"Il m'appelait tous les jours avant d'entrer dans le tunnel, mais dimanche, il ne l'a pas fait", dit son père Ram Dhawan. "Je ne sais pas où le chercher".
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