Remplacement d'un Premier ministre britannique: les précédents #
Les membres du Parti conservateur au pouvoir au Royaume-Uni choisissent qui de Rishi Sunak ou de Liz Truss deviendra leur nouveau dirigeant après la démission de Boris Johnson. En vertu des règles, le gagnant devient automatiquement chef du gouvernement, car les conservateurs forment le plus grand parti au Parlement.
Une situation qui n'est pas inhabituelle, comme le montrent ces précédents.
En février 1974, le chef du Parti travailliste Harold Wilson devient Premier ministre pour la seconde fois, succédant à Edward Heath à la tête d'un gouvernement minoritaire.
Il remporte une majorité de trois sièges seulement lors d'une élection en octobre. Il supervise un référendum sur le maintien de l'adhésion de la Grande-Bretagne à la Communauté européenne, l'ancêtre de l'Union européenne, jusqu'à sa démission surprise.
Après avoir été choisi comme leader du Parti travailliste, le ministre des Affaires étrangères James Callaghan devient le Premier ministre britannique le plus âgé depuis Winston Churchill.
Critiqué pour avoir tenté de minimiser le mécontentement social et les difficultés économiques des années 1970, il est battu par les conservateurs aux élections générales de 1979.
Margaret Thatcher est devenue une icône chez les conservateurs pour avoir écrasé les syndicats afin de mettre en oeuvre ses politiques libérales, gagné la guerre des Malouines en 1982 et remporté trois victoires aux élections générales.
Son intransigeance lui a valu le surnom de Dame de fer. Mais l'opposition de la population à un nouvel impôt et des différences idéologiques avec des membres de son camp au sujet de l'Europe font chuter la première femme à diriger un gouvernement britannique.
Margaret Thatcher démissionne en 1990.
Le ministre des Finances de Thatcher la remplace et remporte une victoire dans les urnes deux ans plus tard.
Mais son mandat est terni par une série de scandales, des doutes sur sa gestion de l'économie et des interrogations croissantes sur la poursuite de l'intégration européenne.
Tony Blair profite de la baisse de popularité des conservateurs pour remporter une victoire écrasante en 1997.
Il est le Premier ministre travailliste qui a engrangé le plus de succès, remportant les élections à deux reprises en 2001 et en 2005, et s'est imposé sur la scène internationale.
Il surfe d'abord sur une vague d'optimisme mais perd la confiance de la population après la guerre en Irak.
Il démissionne au milieu de son troisième mandat.
Le ministre des Finances de Tony Blair, Gordon Brown, remporte l'adhésion des membres du parti et devient Premier ministre.
Mais la crise financière de 2008 et son style maladroit écourtent son mandat.
David Cameron dirige d'abord un gouvernement de coalition avec le petit parti libéral démocrate après les élections de 2010 jusqu'à ce qu'il remporte la majorité absolue avec son parti conservateur en 2015.
Il cherche à mettre fin aux débats sur l'Europe en appelant à un référendum et fait campagne pour rester au sein de l'Union européenne. Mais son pari échoue et il démissionne après la victoire des partisans du Brexit en 2016.
Theresa May est facilement nommée mais hérite des féroces divisions autour du Brexit.
Elle remporte les élections en 2017 mais doit démissionner deux ans plus tard faute d'avoir réussi, malgré plusieurs tentatives, à faire approuver aux députés son accord sur la sortie du Royaume-Uni de l'UE.
Figure de proue du Brexit, Boris Johnson remplace Theresa May et renforce sa légitimité en remportant une victoire écrasante aux élections de décembre 2019. Il met en oeuvre le Brexit mais son mandat est marqué par une série de scandales qui finit par provoquer le départ de plusieurs ministres. Il se résout finalement à démissionner en juillet 2022.
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L'été tranquille de Boris Johnson #
Tandis que les Britanniques de plus en plus inquiets sont confrontés à une inflation record, l'été a été tranquille pour le Premier ministre Boris Johnson, resté à Downing Street pour y assurer les affaires courantes jusqu'à l'arrivée de son successeur début septembre.
Après l'annonce de sa démission le 7 juillet, forcée par une série de scandales, il est parti deux fois en vacances en août, en Slovénie puis en Grèce, a laissé à son successeur toutes les décisions importantes, notamment face à la flambée du prix de l'énergie qui va encore augmenter de 80% pour les particuliers en octobre.
- Fin juillet, il donne une grande fête pour son premier anniversaire de mariage. Sous la pression, il avait renoncé à la tenir à Chequers, la résidence de campagne des Premiers ministres, mais un richissime donateur du parti conservateur a mis à sa disposition un domaine du XVIIIe siècle dans les Cotswolds, au nord-ouest de Londres.
- Début août, il part quelques jours en lune de miel dans les montagnes de Slovénie avec Carrie, sa troisième épouse, dans un hôtel où les chambres n'ont pas de wifi, selon la presse britannique.
- Après son retour, il visite le 11 août une usine d'Airbus au Pays de Galles, répète qu'il laisse les décisions importantes à son successeur mais promet "plus d'aide en octobre et l'an prochain" face à la flambée des prix.
- Il repart en Grèce pour de nouvelles vacances avec son épouse, à Nea Makri, ville balnéaire à une heure au nord-est d'Athènes, selon la presse britannique. Il y est photographié dans un supermarché et à la plage.
- Le 15 août des camions de déménagement sont photographiés devant Downing Street. Son porte-parole se montre incapable de dire s'il reviendra y travailler.
- A son retour de vacances, il s'entretient au téléphone avec le président américain Joe Biden et d'autres leaders mondiaux de coopération en matière de sécurité internationale, selon son service de presse.
- Le 22 août, il donne son feu vert au financement du projet de centrale nucléaire Sizewell C, selon les médias britanniques, au coût estimé entre 20 et 30 milliards de livres.
- Le 23 août, il intervient à distance lors d'une conférence sur l'Ukraine organisée par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, plaidant pour la poursuite de l'aide internationale, six mois après l'invasion du pays par la Russie.
- Le 24 août, il effectue une visite surprise à Kiev, la troisième en six mois, et y réaffirme le soutien du Royaume-Uni au président ukrainien.
- "Où êtes-vous", s'indigne le 26 août le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer, après l'annonce d'une augmentation de 80% du prix de l'énergie pour les ménages, estimant "absolument impardonnable" que le gouvernement soit "aux abonnés absents" durant la crise de l'énergie.
- Dans une chronique au Mail on Sunday le 28 août, M. Johnson concède que les prochains mois "seront durs, peut-être très durs" pour les Britanniques confrontés à l'inflation, mais assure que le Royaume-Uni sortira de la crise "plus fort et plus prospère".
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Agés, blancs et mâles: les conservateurs qui choisissent le Premier ministre britannique #
Les adhérents du Parti conservateur sont les seuls à choisir le prochain Premier ministre britannique: ils sont environ 200.000, dans un pays de 67 millions d'habitants, souvent des hommes blancs, plus âgés et plus aisés que la moyenne de la population.
Voici le profil de cet électorat basé sur le Party Members Project (PMP), une étude de l'Université Queen Mary de Londres et de l'Université de Sussex publiée en 2020.
Le Royaume-Uni est une démocratie parlementaire, de sorte que le chef de la majorité devient Premier ministre, sans obligation d'organiser des législatives en cas de changement de direction à mi-mandat.
En vertu de ce processus, moins de 0,3% de la population doit choisir le prochain dirigeant.
Aucun chiffre précis n'a été donné par le Parti conservateur sur le nombre d'adhérents qui peuvent participer au scrutin.
Un porte-parole a déclaré que ce chiffre dépasserait les 160.000 personnes ayant voté lors du dernier scrutin de ce type, qui s'était conclu par la victoire de Boris Johnson en 2019.
La présidente du parti de l'époque, Amanda Milling, a déclaré en 2021 qu'il y avait désormais environ 200.000 électeurs.
Peuvent voter les membres encartés au moins trois mois avant le scrutin.
Ils ont jusqu'au 2 septembre pour exprimer leur choix, par correspondance ou en ligne. Le résultat sera annoncé le 5 septembre.
Contrastant avec la diversité des candidats qui s'étaient lancés dans la course à Downing Street, et dont seuls deux restent au final à départager, les adhérents conservateurs sont plus âgés, majoritairement blancs et près des deux tiers sont des hommes, contre une répartition quasiment égale entre les sexes au Royaume-Uni.
39% ont plus de 65 ans, et un cinquième ont entre 50 et 64 ans.
A titre de comparaison, moins de 20% de la population britannique est âgée de 65 ans et plus, selon le bureau des statistiques nationales, l'ONS.
Le corps électoral du parti est également très majoritairement blanc: 96%, soit plus de dix points de plus que la population globale.
Lors du référendum sur le Brexit en 2016, 52% des Britanniques ont voté en faveur de la sortie de l'Union européenne.
Au sein du Parti conservateur, environ les trois quarts des membres sont pro-Brexit, selon le Party Members Project.
La ministre des Affaires étrangères Liz Truss, favorite dans les sondages, avait défendu le maintien dans l'Union européenne en 2016 avant de devenir une fervente partisane du Brexit. A l'inverse, son concurrent Rishi Sunak avait voté pour le Brexit.
Les membres du Parti conservateur sont généralement plus riches que l'électorat au sens large: 80% sont considérés comme appartenant aux classes sociales moyennes et supérieures, contre 57% des Britanniques selon l'institut YouGov.
Les adhérents se concentrent largement dans le sud de l'Angleterre --où vit un peu plus d'un tiers de la population totale-- et notamment à Londres. Seulement un cinquième réside dans le nord de l'Angleterre et 6% en Ecosse.
La personnalité des candidats plutôt que leurs promesses politiques est citée comme un élément décisif du vote, selon un sondage YouGov mené au sein des membres du parti en juillet.
Après les scandales ayant entaché le mandat de Boris Johnson, la moitié des adhérents interrogés ont déclaré que "l'honnêteté et l'intégrité" du nouveau dirigeant étaient importantes.
En termes de politiques, les sondés ont manifesté une volonté de retourner à un "conservatisme conventionnel", en mettant l'accent sur la baisse des impôts et des dépenses de l'Etat. Cela correspond au programme de Liz Truss, tandis que son rival Rishi Sunak se concentre sur l'équilibre budgétaire après l'impact de la pandémie de Covid-19.
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Un riche avenir pour Boris Johnson #
Boris Johnson, qui entame ses derniers jours comme Premier ministre, n'a guère de souci à se faire pour son avenir: célébrité politique, excellent orateur à la plume souvent féroce et drôle, ses fins de mois semblent assurées quand il quittera Downing Street.
A 58 ans, il reste pour l'instant député. Et lui qui trouvait parfois que son salaire de Premier ministre (164.000 livres annuelles - 194.000 euros) était insuffisant pour assurer son train de vie, peut devenir multimillionnaire s'il écrit ses mémoires et rejoint le circuit international de conférences, comme l'ont fait avant lui d'autres anciens dirigeants internationaux.
Ses mémoires, s'il se discipline pour les écrire, pourraient lui rapporter des millions.
Et il pourrait gagner environ 100.000 dollars (100.050 euros) par discours aux Etats-Unis, explique à l'AFP Mark Cowne, patron de l'agence Kruger Cowne, qui représente des "talents" aussi divers que Steve Wozniak, co-fondateur d'Apple, Richard Branson (groupe Virgin), la chanteuse Cher ou le musicien et activiste Bob Geldof.
Son salaire annuel de député après Downing Street (84.144 livres soit 99.626 euros) fait pâle figure en comparaison.
Au Royaume-Uni, il va en revanche "être difficile à vendre", selon M. Cowne, qui souligne les sentiments contradictoires que suscite Boris Johnson, de quoi refroidir le monde des affaires qui finance en général ces discours très bien payés.
Sur le circuit international, il a été "Premier ministre en même temps que Trump", résume-t-il. Et c'est "une célébrité". Mais là aussi il risque de connaître "des hauts et des bas" en raison des fortes réactions qu'il suscite, selon M. Cowne.
Theresa May, ancienne Première ministre, "n'a pas particulièrement bien marché" aux Etats-Unis, dit-il aussi, à l'opposé d'un Tony Blair, très connu outre-Atlantique en raison de ses relations avec Bill Clinton et George W. Bush.
Moins charismatique que Boris Johnson, Mme May y est pourtant payée de 38.000 à 80.000 livres par discours depuis qu'elle a quitté Downing Street en 2019, selon le registre des intérêts financiers des députés. Elle en garde 85.000 par an, le reste servant à soutenir ses engagements caritatifs.
Avant d'arriver au pouvoir, M. Johnson était déjà payé en moyenne entre 25.000 et 40.000 livres pour un discours de deux heures. Le Daily Telegraph lui versait à l'époque 22.916 livres par mois pour une chronique hebdomadaire estimée à 10 heures de travail mensuel, selon ce même registre des intérêts financiers des députés.
Le Telegraph a depuis pris ses distances mais le Daily Mail, tabloid fidèle au Premier ministre, lui aurait proposé d'écrire une chronique quand il quittera Downing Street.
A ses moments perdus, Boris Johnson, père de deux très jeunes enfants avec sa troisième épouse Carrie, 34 ans, pourra aussi écrire le livre sur Shakespeare pour lequel il avait reçu une grosse avance en 2015, et qu'il n'a toujours pas écrit.
A ce jour, il n'a rien dit de ses intentions.
Mais son désormais fameux "hasta la vista" (célèbre réplique d'Arnold Schwarzenegger dans Terminator 2) lors de sa dernière séance de questions à la Chambre le 20 juillet a fait couler beaucoup d'encre. Il avait aussi déclaré "mission accomplie, pour le moment".
Un signe pour certains qu'il n'aurait peut-être pas dit son dernier mot en politique, lui qui avait annoncé à regret sa démission le 7 juillet après une rébellion de son parti, alors qu'il pensait encore avoir une tâche "colossale" à accomplir.
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Les Britanniques bientôt fixés sur leur nouveau Premier ministre #
D'ici quelques jours, les Britanniques connaîtront le nom de leur nouveau Premier ministre et, sauf grosse surprise, la ministre des Affaires étrangères Liz Truss succédera à Boris Johnson à Downing Street, héritant d'une situation économique et sociale particulièrement difficile.
Les sondages la donnent largement en tête des intentions de vote: 32 points d'avance selon YouGov. Les membres du parti conservateur ont jusqu'au 2 septembre pour se prononcer et le résultat sera annoncé le 5.
La campagne a été violente entre les deux conservateurs candidats à la succession de Boris Johnson démissionnaire: Mme Truss, 47 ans, ministre aguerrie et déterminée, positionnée très à droite, et Rishi Sunak, 42 ans, ancien ministre des Finances à l'expérience politique limitée, qui a joué la carte d'une honnêteté didactique parfois mal reçue.
Dans un pays qui connaît la pire inflation des pays du G7, désormais à 10,1% et qui, selon la banque Citi, pourrait dépasser 18% en avril, chacun a accusé l'autre de répondre à la crise avec des propositions inadaptées, baisses d'impôts pour Liz Truss, aides directes pour M. Sunak.
Chacun a tiré à lui le manteau de Margaret Thatcher, même si la Dame de fer ne se reconnaîtrait pas forcément dans ces conservateurs 2022 plutôt lisses.
Rishi Sunak, petit-fils d'immigrés indiens, défenseur de l'orthodoxie budgétaire, a accusé Liz Truss de "promettre la Lune à tout le monde" et mis en avant son propre bilan de ministre des Finances durant la pandémie de Covid-19, comme preuve de sa capacité à surmonter les crises.
Mais Liz Truss, qui se veut optimiste, affirme que la récession n'est pas inévitable et qu'il est possible de "libérer des opportunités au Royaume-Uni". Elle veut revenir sur toutes les lois héritées de l'Union européenne, prêche la dérèglementation, le libre-échange et invite les conservateurs à être ambitieux.
Tous les autres sujets sont quasiment passés à la trappe durant la campagne.
Les Britanniques inquiets d'un hiver difficile avec la flambée des prix de l'énergie, la dégringolade de leur pouvoir d'achat et des grèves qui s'étendent, n'ont porté qu'un intérêt limité à ces deux candidats qui manquent du charisme de Boris Johnson.
Cependant, "dans un parti qui a évolué vers le populisme, elle (Liz Truss) a su se présenter de manière plus authentique, plus ordinaire que Rishi Sunak qui se retrouve facilement assimilé à l'élite mondialisée", relève Tim Bale, professeur à l'université Queen Mary de Londres.
"Elle arrive facilement à porter des messages conservateurs traditionnels", ajoute John Curtice, politologue à l'université de Strathclyde.
Rishi Sunak, marié à une millionnaire indienne, a aussi souffert d'une image de traître ayant précipité la chute de Boris Johnson. Il avait démissionné début juillet, suivi par une soixantaine de membres du gouvernement lassés par les scandales à répétition. Mme Truss est restée.
Depuis sa démission le 7 juillet, Boris Johnson a géré les affaires courantes a minima, laissant les grandes décisions à son successeur.
Il est parti en vacances à deux reprises, en Slovénie puis en Grèce, et a commencé à déménager.
"Où êtes-vous?", lui a encore demandé le 26 août le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer, après l'annonce d'une augmentation de 80% du prix de l'énergie pour les ménages, jugeant "absolument impardonnable" que le gouvernement soit "aux abonnés absents".
Mme Truss, députée depuis 2010 et de son propre aveu oratrice médiocre, a servi dans différents ministères sous trois Premiers ministres depuis 2012. Dans sa jeunesse, elle a milité chez les libéraux-démocrates (centre) avant de rejoindre les conservateurs. En 2016 elle était opposée au Brexit avant de rapidement devenir inflexible sur la question.
Le choix du nouveau Premier ministre est décidé par les seuls membres du Parti conservateur au pouvoir --moins de 200.000 personnes--, la plupart des hommes blancs, âgés et aisés, dans un pays qui compte quelque 46 millions d'électeurs inscrits.
Si elle succède à Boris Johnson, Liz Truss deviendra la troisième femme à Downing Street, après Margaret Thatcher (1979-1990) et Theresa May (2016-2019).
Le Parti conservateur, fracturé entre divers courants, est au pouvoir depuis douze ans. Tous les sondages indiquent qu'il perdra face aux travaillistes lors des prochaines législatives prévues au plus tard en janvier 2025.
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