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Ranil Wickremesinghe, nouveau président du Sri Lanka, plus rusé que le "vieux renard" #

7/20/2022, 7:57 AM
Colombo, LKA

Issu d'une famille fortunée, neveu d'un ex-chef de l'Etat et déjà six fois Premier ministre, Ranil Wickremesinghe est devenu mercredi à 73 ans président du Sri Lanka, l'ambition de toute une vie.

Rompu aux manoeuvres de couloir, ce cacique aux cheveux argentés était déjà président par intérim depuis la fuite et la démission de Gotabaya Rajapaksa, poussé à l'exil par les manifestants dans un pays en faillite.

Les députés srilankais l'ont élu mercredi président à une écrasante majorité de 134 voix, contre contre 82 à son principal adversaire Dullas Alahapperuma et seulement trois pour le candidat de gauche Anura Dissanayake. Wickremesinghe gouvernera jusqu'à la fin du mandat de Rajapaksa en novembre 2024.

Mais s'il a obtenu le soutien du parti du clan Rajapaksa, le plus important du Parlement, la rue ne veut pas de lui, même s'il a assuré sitôt élu que "nos divisions sont terminées".

La politique sri-lankaise a toujours été dominée par quelques grandes dynasties, et Wrickemesinghe ne fait pas exception: neveu du président Junius Jayewardene (1978-1989), c'est son puissant oncle qui l'a nommé en 1977 vice-ministre des Affaires étrangères.

Un oncle surnommé le "vieux renard", mais dont le neveu est réputé encore plus habile à naviguer dans les arcanes du pouvoir.

Chef du gouvernement à diverses époques (1993-1994, 2001-2004, 2015-2019), battu deux fois pour le poste suprême en 1999 et 2005, il est encore rappelé comme Premier ministre mi-mai, quand Mahinda Rajapaksa, le frère de Gotayaba, est poussé à la démission.

Mais Wrickemesinghe n'échappe pas non plus à la colère populaire: au moment où la résidence du président est envahie par les manifestants, le 9 juillet dernier, sa demeure est incendiée, et les 2.500 livres de sa bibliothèque, son "plus grand trésor", réduits en cendres.

- Scandale bancaire -

Né dans une famille à la fortune faite dans l'édition et les plantations, Wickremesinghe a débuté comme reporter dans l'un des journaux du groupe.

En nationalisant l'entreprise familiale en 1973, Sirimavo Bandaranaike, première femme de l'histoire contemporaine à devenir Première ministre d'un pays, change le destin du jeune homme.

"Si Lake House n'avait pas été repris, je serais devenu journaliste. En fait, Mme Bandaranaike m'a fait entrer en politique", a-t-il expliqué à l'AFP par le passé.

En 1993, le président Ranasinghe Premadasa meurt dans un attentat-suicide. Lui succède le Premier ministre Dingiri Banda Wijetunga, qui lui-même nomme Wickremesinghe à la tête du gouvernement.

Mais un autre attentat-suicide, en 1999, profite sans doute à sa principale rivale, Chandrika Kumaratunga, blessée trois jours seulement avant le scrutin présidentiel.

Un pansement sur son oeil droit perdu dans l'attaque, elle émeut toute la nation lors d'une apparition télévisée. Et Wickremesinghe perd une élection dont il était donné vainqueur.

Marié à Maithree, une professeure d'anglais avec laquelle il n'a pas eu d'enfant, il a longtemps joui d'une image relativement propre dans un monde politique corrompu.

Mais celle-ci a été brouillée lors de son mandat de 2015-2019 à la tête du gouvernement, éclaboussé par un scandale de délit d'initié impliquant des obligations de la Banque centrale.

Un camarade d'école, qu'il avait placé à la tête de l'institution, fut un des principaux accusés dans cette affaire.

S'il est élu président, son statut de réformateur pro-occidental et de chantre du libre-échange pourrait faciliter les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et les créanciers étrangers sur un possible plan de renflouement.

Mais il a déjà averti qu'il n'y aurait pas de solution rapide au marasme économique et financier sans précédent de son pays, fait de pénuries de nourriture, d'essence et de médicaments.

"Nous sommes en faillite", a déclaré le septuagénaire au Parlement au début du mois: "le pire est à venir".

aj/slb/aha/lth/roc/cl

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JUL 20

Sri Lanka: le Parlement a commencé à voter pour remplacer le président déchu #

7/20/2022, 6:18 AM
Colombo, LKA

Le Parlement du Sri Lanka a commencé à voter mercredi pour désigner parmi trois candidats un nouveau président pour succéder à Gotabaya Rajapaksa, qui a démissionné la semaine dernière après avoir fui son pays en faillite.

Le secrétaire général du Parlement, Dhammika Dasanayake, a dans la matinée sonné la cloche du quorum pour signaler le début du vote à bulletin secret de ses 225 députés.

Un par un, les députés sont entrés dans des isoloirs afin de choisir lequel des trois candidats sera appelé à diriger le pays.

Les élections précédentes ayant été entachées d'accusations de corruption et d'achat de voix, M. Dasanayake a rappelé aux députés que "le fait de photographier les bulletins de vote ou de les montrer à d'autres personnes" constituait "une infraction" et que l'usage des téléphones portables était interdit.

Les députés doivent classer les candidats par ordre de préférence, un processus secret qui leur donne une plus grande liberté d'action qu'un scrutin ouvert.

Le vainqueur du scrutin héritera d'un pays de 22 millions d'habitants ravagé par une crise économique catastrophique qui provoque des pénuries d'aliments, de médicaments et de carburants.

L'île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n'a même plus assez de devises pour financer ses importations essentielles, et espère un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI).

- Calme dans les rues -

A l'extérieur du Parlement, des centaines de soldats et de policiers, fortement armés, restaient sur leur garde dans la perspective d'éventuelles manifestations mais la situation demeurait calme.

Le Premier ministre Ranil Wickremesinghe, qui exerce l'intérim de la présidence, est considéré par les analystes comme le favori pour emporter ce vote et prendre la tête du Sri Lanka jusqu'à la fin du mandat de M. Rajapaksa en novembre 2024.

Mais il est honni par les manifestants, qui le considèrent comme un allié et protecteur de Gotabya Rajapaksa. Ce dernier, qui a fui la foule en colère le 9 juillet, s'est réfugié aux Maldives puis à Singapour, d'où il a démissionné.

M. Wickremesinghe dispose du soutien du SLPP, le parti des Rajapaksa, le premier parti au parlement en nombre de sièges.

L'ancien président Mahinda Rajapaksa, frère aîné de Gotabaya et chef du clan familial, est toujours dans le pays et, selon des sources du parti, exerçait des pressions sur les députés pour qu'ils soutiennent la candidature de M. Wickremesinghe.

Mardi après-midi dans la capitale, des centaines d'étudiants avaient manifesté leur opposition à ce cacique de 73 ans, qui a été six fois Premier ministre.

"Nous n'avons pas peur de Ranil", a déclaré Wasantha Mudalige, un leader étudiant, et "nous le chasserons comme nous l'avons fait pour Gotabaya".

En tant que président par intérim, M. Wickremesinghe a prolongé lundi l'état d'urgence, qui confère à la police et aux forces de sécurité des pouvoirs étendus.

La semaine dernière, il a ordonné l'expulsion des manifestants des bâtiments officiels qu'ils occupaient dans le centre de Colombo.

- "Candidat de l'ordre" -

Selon le député tamoul d'opposition Dharmalingam Sithadthan, l'intransigeance affichée par M. Wickremesinghe à l'égard des manifestants a été bien accueillie par les députés, dont beaucoup ont été victimes de violences pendant les manifestations.

"Ranil apparaît comme le candidat de la loi et de l'ordre", a déclaré M. Sithadthan à l'AFP.

D'après l'analyste politique Kusal Perera, "Ranil a regagné l'acceptation des classes moyennes urbaines en rétablissant certains services comme le gaz, et il a déjà montré sa fermeté en faisant évacuer les bâtiments du gouvernement".

Les observateurs s'attendent à ce que M. Wickremesinghe, s'il l'emporte, réprime durement toute manifestation. Et à ce qu'il nomme Premier ministre son ancien camarade de classe Dinesh Gunawardena, 73 ans, un ex-ministre de la Fonction publique et fervent partisan du clan Rajapaksa.

Le principal adversaire de M. Wickremesinghe est le dissident du SLPP et ancien ministre de l'Education Dullas Alahapperuma, un ancien journaliste soutenu par l'opposition.

M. Alahapperuma s'est engagé cette semaine à former "un véritable gouvernement consensuel pour la première fois de notre histoire".

S'il gagne, cet homme de 63 ans devrait nommer le chef de l'opposition Sajith Premadasa Premier ministre. Le défunt père de M. Premadasa, Ranasinghe, a dirigé le pays d'une main de fer dans les années 1980, alors que M. Alahapperuma était un militant des droits humains.

Le troisième candidat est Anura Dissanayake, 53 ans, leader du Front de libération du peuple (JVP, gauche), qui dispose de trois députés seulement.

aj-gle/slb/lth/emd

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JUL 20

Sri Lanka: le Parlement commence à voter pour élire le nouveau président #

7/20/2022, 4:54 AM
Colombo, LKA

Le Parlement du Sri Lanka a lancé mercredi l'élection du président qui succèdera à Gotabaya Rajapaksa, lequel a fui le pays et démissionné la semaine dernière.

Le secrétaire général du Parlement, Dhammika Dasanayake, a sonné la cloche du quorum pour signaler le début du vote secret de ses 225 députés pour élire parmi trois candidats le nouveau président.

aj/slb/lth/ybl

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JUL 20

Sri Lanka: des communautés pauvres tenaillées par la faim tandis que les prix grimpent #

7/20/2022, 4:15 AM
Colombo, LKA

Ses cheveux sont soigneusement peignés, mais ses joues sont creuses et des veines visibles courent sur son corps décharné: comme de nombreux Sri Lankais, Milton Pereira et sa famille n'ont pas les moyens d'acheter suffisamment de nourriture.

Alors que le pays connaît sa pire crise économique et une inflation galopante, suscitant une vague de manifestations qui ont abouti à la chute du président la semaine dernière, les Sri Lankais achètent moins, mangent moins et travaillent moins.

"C'est très difficile de vivre, même une miche de pain est chère", explique M. Pereira à l'AFP devant sa modeste maison de Slave Island, une enclave pauvre de la capitale Colombo.

"Si nous prenons un repas, nous en sautons un autre", déclare cet homme de 74 ans, dont la famille compte six enfants.

"Comme nous n'avons pas beaucoup d'argent, alors nous donnons parfois le poisson aux enfants", dit-il, les adultes "se contentant de la sauce".

Déclenchées par la pandémie de coronavirus, les difficultés financières ont été exacerbées par la mauvaise gestion du gouvernement, selon les critiques.

- "La chose la plus terrible" -

"Cette hausse exponentielle des prix est la chose la plus terrible à laquelle j'ai jamais été confronté", affirme le fils de M. Peirera, B. G. Rajitkumar, un ouvrier électricien qui n'a pas eu de travail depuis des mois.

"Les prix de la nourriture augmentent tous les jours", déplore-t-il.

L'inflation des denrées alimentaires au Sri Lanka a atteint en juin 80,1% sur un an, selon les chiffres officiels.

Selon le Programme alimentaire mondial, près de cinq millions de personnes, soit 22% de la population, ont besoin d'une aide alimentaire, et plus de cinq familles sur six sautent des repas, mangent moins ou achètent des aliments de moindre qualité.

Le principal marché de gros de légumes de New Manning, à Colombo, était animé dimanche, acheteurs, vendeurs et porteurs se bousculant avec leurs sacs de denrées.

Mais les commerçants affirment que les affaires ont diminué de plus de la moitié depuis mars.

"Les prix de tout ont plus que doublé", rapporte M. M. Mufeed, commerçant, qui estime que ses ventes ont diminué de 70%.

"Certains légumes invendus partent à la poubelle et de nombreux pauvres viennent en chercher chaque jour après la fermeture du marché", raconte-t-il.

Mais les pommes de terre, les oignons et l'ail continuent d'être importés d'Inde, du Pakistan et de Chine, indique Ashley Jennycloss, agent d'import-export.

"L'approvisionnement en nourriture n'est pas un problème, mais comme il n'y a pas de carburant, cela rend les choses difficiles et tout devient cher", selon Jeeva, un autre commerçant.

Certaines personnes parcourent de longues distances à pied pour venir à ce marché tôt le matin et acheter de petites quantités de légumes pour leur cuisine à des prix de gros.

"Je n'ai pas d'autre choix que de marcher 10 kilomètres jusqu'à ce marché, car la nourriture y est moins chère que dans les magasins de détail près de chez moi", explique Howzy, 50 ans.

Dans le quartier général du mouvement de protestation qui a fait tomber l'ex-président Gotabaya Rajapaksa, un ancien employé du gouvernement, Theodore Rajapakse, enseigne aux habitants comment produire des légumes à croissance rapide sur de petites parcelles de terrain près de chez eux.

"Mon pays est en difficulté", dit-il, ajoutant qu'il a appris ses techniques agricoles à environ 3.000 protestataires depuis qu'il a rejoint les manifestations.

Mais les perspectives d'amélioration immédiate sont limitées, et le successeur le plus probable du président démissionnaire, l'ancien Premier ministre Ranil Wickremesinghe, est honni par les manifestants qui le considèrent comme un allié de M. Rajapaksa.

A Slave Island, M. Pereira a peu d'espoir. "Gota est parti, mais il n'y a aucun candidat pour nous sortir de cette terrible situation", soupire-t-il.

pzb/slb/lb/mlb/er

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JUL 20

Sri Lanka: le Parlement élit un nouveau président après la fuite de Rajapaksa #

7/20/2022, 2:00 AM
Colombo, LKA

Le Parlement du Sri Lanka se réunit mercredi pour désigner un nouveau président pour remplacer Gotabaya Rajapaksa, en fuite après la prise d'assaut de son palais la semaine dernière par une foule en colère, les manifestants s'attendant à un durcissement de la répression après le vote.

Le vainqueur du scrutin héritera d'un pays de 22 millions d'habitants ravagé par une crise économique catastrophique qui provoque pénuries d'aliments, de médicaments et de carburants. L'île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n'a même plus assez de devises pour financer ses importations essentielles, et espère un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI).

Le Premier ministre Ranil Wickremesinghe, qui exerce l'intérim de la présidence, est considéré comme le favori pour emporter ce vote à bulletins secrets auprès des 225 députés, et prendre la tête du Sri Lanka jusqu'à la fin du mandat de M. Rajapaksa en novembre 2024.

Gotabaya Rajapaksa a fui précipitamment son palais envahi par la foule en colère le 9 juillet et s'est réfugié aux Maldives, puis à Singapour, d'où il a démissionné.

Sa chute est un revers pour son clan familial, qui domine la vie politique du Sri Lanka depuis une vingtaine d'années, après la démission plus tôt cette année de ses frères qui étaient respectivement Premier ministre et ministre des Finances.

Mais M. Wickremesinghe dispose du soutien du SLPP, le parti des Rajapaksa, qui dispose du plus grand nombre de sièges au Parlement. L'ancien président Mahinda Rajapaksa, frère aîné de Gotabaya et chef du clan familial, est toujours dans le pays et, selon des sources du parti, exerce des pressions sur les députés pour qu'ils soutiennent M. Wickremesinghe.

Mardi après-midi dans la capitale, des milliers d'étudiants ont manifesté leur opposition à ce cacique de 73 ans, qui a été six fois Premier ministre. Ils le considèrent comme un allié et un protecteur du clan Rajapaksa.

"Nous n'avons pas peur de Ranil", a déclaré Wasantha Mudalige, un leader étudiant, "nous le chasserons comme nous l'avons fait pour Gotabaya".

En tant que président par intérim, M. Wickremesinghe a prolongé l'état d'urgence, qui confère à la police et aux forces de sécurité des pouvoirs étendus. La semaine dernière, il a ordonné l'expulsion des manifestants des bâtiments officiels qu'ils occupaient dans le centre de Colombo.

- Intransigeance -

Selon le député tamoul d'opposition Dharmalingam Sithadthan, l'intransigeance affichée par M. Wickremesinghe à l'égard des manifestants est bien accueillie par les députés, dont beaucoup ont été victimes de violences pendant les manifestations. "Ranil apparaît comme le candidat de la loi et de l'ordre", a déclaré M. Sithadthan à l'AFP.

D'après l'analyste politique Kusal Perera, M. Wickremesinghe a un "léger avantage", bien que son propre parti ne dispose que d'un seul siège au Parlement. "Ranil a regagné l'acceptation des classes moyennes urbaines en rétablissant certains services comme le gaz, et il a déjà montré sa fermeté en faisant évacuer les bâtiments du gouvernement", a-t-il estimé.

Les observateurs s'attendent à ce que M. Wickremesinghe, s'il l'emporte, réprime durement toute manifestation. Ils s'attendent aussi à ce qu'il nomme Premier ministre son ancien camarade de classe Dinesh Gunawardena, 73 ans, un ex-ministre de la Fonction publique et fervent partisan du clan Rajapaksa.

Le principal adversaire de M. Wickremesinghe lors du vote sera le dissident du SLPP et ancien ministre de l'Education Dullas Alahapperuma, un ancien journaliste soutenu par l'opposition.

M. Alahapperuma s'est engagé cette semaine à former "un véritable gouvernement consensuel pour la première fois de notre histoire".

S'il gagne, cet homme de 63 ans devrait nommer le chef de l'opposition Sajith Premadasa Premier ministre. Le défunt père de M. Premadasa, Ranasinghe, a dirigé le pays d'une main de fer dans les années 1980, alors que M. Alahapperuma était un militant des droits humains.

Le troisième candidat est Anura Dissanayake, 53 ans, leader du Front de libération du peuple (JVP, gauche), qui dispose de trois députés.

Les législateurs classeront les candidats par ordre de préférence lors d'un vote secret, un mécanisme qui leur donne une plus grande liberté d'action qu'un scrutin ouvert. Les élections précédentes ont été marquées par des allégations de pots-de-vin offerts et acceptés en échange de votes.

gle/slb/dva/st/roc/ybl

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JUL 19

Sri Lanka: le favori de la présidentielle, plus rusé que le "vieux renard" #

7/19/2022, 4:02 PM
Colombo, LKA

Issu d'une famille fortunée, neveu d'un ex-chef de l'Etat, et déjà six fois Premier ministre, Ranil Wickremesinghe espère devenir à son tour, à 73 ans, président du Sri Lanka, l'ambition de toute une vie.

Rompu aux manoeuvres de couloir, ce cacique aux cheveux argentés, président par intérim depuis vendredi, fait figure de favori du vote des députés, mercredi, pour succéder au président déchu Gotabaya Rajapaksa, poussé à l'exil par les manifestants dans un pays en faillite.

Mais s'il a obtenu le soutien du parti du clan Rajapaksa, le plus important du Parlement, la rue ne veut pas de lui et le chef de l'opposition Sajith Premadasa a offert mardi son soutien à son principal rival, Dullas Alahapperuma.

La politique sri-lankaise a toujours été dominée par quelques grandes dynasties, et Wrickemesinghe ne fait pas exception: neveu du président Junius Jayewardene (1978-1989), c'est son puissant oncle qui l'a nommé en 1977 vice-ministre des Affaires étrangères.

Un oncle surnommé le "vieux renard", mais dont le neveu est réputé encore plus habile à naviguer dans les arcanes du pouvoir.

Chef du gouvernement à diverses époques (1993-1994, 2001-2004, 2015-2019), battu deux fois pour le poste suprême en 1999 et 2005, il est encore rappelé comme Premier ministre mi-mai, quand Mahinda Rajapaksa, le frère de Gotayaba, est poussé à la démission.

Mais Wrickemesinghe n'échappe pas non plus à la colère de la rue: au moment où la résidence du président est envahie par les manifestants, le 9 juillet dernier, sa demeure est incendiée, et les 2.500 livres de sa bibliothèque, son "plus grand trésor", réduits en cendres.

- scandale bancaire -

Né dans une famille à la fortune faite dans l'édition et les plantations, Wickremesinghe a débuté comme reporter dans l'un des journaux du groupe.

En nationalisant l'entreprise familiale en 1973, Sirimavo Bandaranaike, première femme de l'histoire contemporaine à devenir Première ministre d'un pays, change le destin du jeune homme.

"Si Lake House n'avait pas été repris, je serais devenu journaliste. En fait, Mme Bandaranaike m'a fait entrer en politique", a-t-il expliqué à l'AFP par le passé.

En 1993, le président Ranasinghe Premadasa meurt dans un attentat suicide, lui succède le Premier ministre Dingiri Banda Wijetunga, qui lui-même nomme Wickremesinghe à la tête du gouvernement.

Mais un autre attentat suicide, en 1999, profite sans doute à sa principale rivale, Chandrika Kumaratunga, blessée trois jours seulement avant le scrutin présidentiel.

Un pansement sur son oeil droit perdu dans l'attaque, elle émeut toute la nation lors d'une apparition télévisée. Et Wickremesinghe perd une élection dont il était donné vainqueur.

Marié à Maithree, une professeure d'anglais avec laquelle il n'a pas eu d'enfant, il a longtemps joui d'une image relativement propre dans un monde politique corrompu.

Mais elle a été brouillée lors de son mandat de 2015-2019 à la tête du gouvernement, éclaboussée par un scandale de délit d'initié impliquant des obligations de la Banque centrale.

Un camarade d'école, qu'il avait placé à la tête de l'institution, fut un des principaux accusés dans cette affaire.

S'il est élu président, son statut de réformateur pro-occidental et de chantre du libre-échange pourrait faciliter les négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) et les créanciers étrangers sur un possible plan de renflouement.

Mais il a déjà averti qu'il n'y aurait pas de solution rapide au marasme économique et financier sans précédent de son pays, fait de pénuries de nourriture, d'essence et de médicaments.

"Nous sommes en faillite", a déclaré le septuagénaire au Parlement au début du mois: "le pire est à venir".

aj/slb/aha/lth/def/cpy

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JUL 19

Crise au Sri Lanka: que va-t-il se passer maintenant ? #

7/19/2022, 10:53 AM
Colombo, LKA

Le parlement sri-lankais doit élire mercredi un nouveau président pour remplacer Gotabaya Rajapaksa, qui s'est réfugié à Singapour la semaine dernière puis a démissionné après des mois de manifestations lui reprochant la faillite du pays.

Voici le point sur ce qui attend dans les prochaines semaines ce pays de 22 millions d'habitants où la crise économique sans précédent est aggravée par un système politique compliqué, marqué par la corruption et parfois la violence.

- Pourquoi Rajapaksa a-t-il fui ? -

Sous Gotabaya Rajapaksa, le Sri Lanka a subi sa pire crise économique depuis l'indépendance et s'est déclaré en défaut de paiement. Depuis fin 2021, le pays est incapable de financer ses importations, même les plus essentielles.

Cette crise a été déclenchée par la pandémie de Covid-19, qui a ravagé le secteur touristique, grand pourvoyeur de devises pour l'île, mais a été aggravée par une série de mauvaises décisions politiques.

Même les plus fidèles alliés du président ont fini par le lâcher quand les pénuries de nourriture, d'électricité, de carburant et de médicaments se sont aggravées.

Le mécontentement populaire a explosé le 9 juillet: des centaines de manifestants ont pris d'assaut la résidence de M. Rajapaksa qui s'est enfui précipitamment et s'est réfugié dans une base de la marine, avant de partir pour Singapour via les Maldives, craignant pour sa vie.

- Le président était-il populaire ? -

Gotabaya Rajapaksa était surnommé "Terminator" pour avoir écrasé la rébellion tamoule alors qu'il était ministre de la Défense, sous la présidence de son frère aîné Mahinda Rajapaksa entre 2005 et 2015.

S'il était apprécié par la majorité bouddhiste, il était au contraire honni par les minorités tamoule et musulmane qui voient en lui un raciste, un oppresseur et un criminel de guerre.

Le pays divisé a toutefois fini par s'unir contre M. Rajapaksa quand l'inflation a dépassé les 50%, avec quatre habitants sur cinq ne mangeant plus à leur faim.

- Qui va gouverner désormais ? -

La Constitution sri-lankaise prévoit que le Premier ministre assure l'intérim de la présidence jusqu'à ce qu'un nouveau chef de l'Etat soit désigné, dans un délai d'un mois.

Ranil Wickremesinghe, 73 ans, assure cet intérim depuis la démission formelle de M. Rajapaksa le 14 juillet, deux ans et sept mois après le début de son mandat de cinq ans.

Les 225 membres du Parlement doivent se réunir mercredi pour désigner un nouveau président qui poursuivra le mandat de M. Rajapaksa jusqu'en novembre 2024.

- Qui sont les candidats à la succession ? -

Le président par intérim Ranil Wickremesinghe, un pro-occidental qui a été six fois Premier ministre, est le grand favori. Il s'est assuré le soutien du SLPP, le parti de Gotabaya Rajapaksa, qui dispose d'une majorité relative d'une centaine de sièges au Parlement.

Rien n'est toutefois joué, le vote des députés étant secret. Dans le passé, certains ont été accusés d'avoir monnayé leur voix.

Pendant une crise constitutionnelle en octobre 2018, plusieurs députés avaient ainsi affirmé s'être vus offrir 3,5 millions de dollars et des appartements à l'étranger en échange de leurs votes.

Un autre candidat de poids est l'ancien ministre des Médias Dullas Alahapperuma, 63 ans, un dissident du SLPP.

Le principal dirigeant d'opposition, Sajith Premadasa, 55 ans, a annoncé mardi qu'il renonçait à sa candidature au profit de M. Alahapperuma.

Le troisième candidat Anura Dissanayake, 53 ans, est le chef du JVP (Front de libération du peuple), un parti de gauche qui dispose de trois sièges seulement au Parlement.

- Quel impact sur les discussions avec le FMI ? -

Tous les partis politiques du Sri Lanka soutiennent les négociations en cours avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue d'un plan de sauvetage.

Le pays, dont l'économie s'est complètement effondrée, s'est déclaré mi-avril en défaut de paiement de sa dette extérieure de 51 milliards de dollars.

Le FMI a espéré la semaine dernière que la crise au Sri Lanka serait rapidement résolue afin que les négociations, interrompues par les événements, puissent reprendre.

Mais l'adoption d'un plan de sauvetage risque d'être compliquée par les divisions au Parlement, où aucun parti ne dispose d'une majorité claire.

aj/slb/lth/at

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JUL 19

Sri Lanka: Rajapaksa voulait sa mort, un dissident "torturé" a contribué à sa chute #

7/19/2022, 6:20 AM

Le militant de gauche sri-lankais Premakumar Gunaratnam, qui affirme avoir été promis à la mort en 2012 par "Terminator", surnom de l'ex-président Gotabaya Rajapaksa, alors patron de la sécurité du Sri Lanka, a joué un rôle clé dans sa chute.

L'éviction de M. Rajapaksa et sa fuite précipitée à Singapour la semaine dernière sont une "victoire pour la démocratie", déclare à l'AFP M. Gunaratnam, âgé de 56 ans.

L'ex-président a été contraint de fuir lorsque des dizaines de milliers de manifestants ont pris d'assaut sa résidence officielle après des mois de manifestations dans tout le pays, exigeant sa démission en raison de la crise économique.

"Il (Gotabaya Rajapaksa) m'a enlevé et voulait m'assassiner", il y a dix ans, affirme celui que la presse locale présente comme un "acteur-clé" de la contestation actuelle qui a fait chuter M. Rajapaksa.

"Mais ce n'est pas personnel", ajoute-t-il, sourire en coin.

En 2012, ce gauchiste radical alors sur le point de lancer un nouveau parti politique, avait été kidnappé à son domicile par des hommes armés avant d'être embarqué à bord d'une camionnette blanche et conduit dans un lieu secret où il a été séquestré et "torturé".

- Camionnettes blanches -

A l'époque, des hommes en civil, qui opéraient dans des camionnettes blanches banalisées, ont enlevé des dizaines de dissidents, journalistes et hommes politiques de l'opposition.

Beaucoup n'en sont jamais revenus.

Grâce à la pression internationale, M. Gunaratnam a recouvré, quatre jours plus tard, une liberté à laquelle il ne croyait déjà plus.

Deux de ses proches camarades avaient "disparu" quelques mois auparavant. Personne ne les a jamais revus.

A l'époque, Gotabaya Rajapaksa occupait le poste influent de secrétaire du ministère de la Défense et contrôlait les forces armées et la police.

S'il a reconnu l'existence des enlèvements en "camionnette blanche" auprès d'un journaliste local en 2019, en revanche il a toujours démenti avoir dirigé ces escadrons de la mort. Cette accusation lui vaudra néanmoins le surnom tenace de "Terminator".

M. Gunaratnam estime que la mission des contestataires d'aujourd'hui ne sera pas accomplie tant que Gotabaya n'aura pas comparu devant un tribunal sri-lankais.

"Il est l'un des principaux responsables des enlèvements et des disparitions, il est l'un des responsables des crimes de guerre", accuse-t-il.

M. Gunaratnam a consacré sa vie à la politique révolutionnaire dans ce pays doté d'une longue histoire de conflits armés et de violations des droits humains.

Il avait un temps fui l'île et obtenu la citoyenneté australienne pour échapper aux représailles du gouvernement pour son activité politique. Il attribue à l'action du "gouvernement australien le fait d'avoir eu la vie sauve".

Ce n'était pas la première fois qu'il frôlait la mort.

Il s'était engagé dès l'adolescence dans l'insurrection gauchiste des années 1980. Selon le journaliste sri-lankais Victor Ivan, il avait dirigé à l'époque une attaque contre un camp militaire à Kandy (centre), avec un groupe d'étudiants déguisés en soldats, pour se procurer des armes.

Le jeune révolutionnaire avait fini par être arrêté, pris dans un piège tendu par Sarath Fonseka, alors commandant de l'armée.

"Je comptais les jours jusqu'à la fin de ma vie", se souvient-il en accusant aussi M. Fonseka d'avoir présidé à des centaines d'exécutions extrajudiciaires dans la ville de Trincomalee (est) pendant la guerre civile.

Il dit n'avoir seulement été libéré parce que le gouvernement avait besoin de prouver que certains disparus étaient encore en vie.

- la démocratie dans la rue -

Aujourd'hui, le nom de M. Fonseka a été cité comme un candidat possible à l'élection parlementaire pour remplacer le président déchu du Sri Lanka.

Parmi les autres candidats à sa succession, a aussi brièvement figuré Sajith Premadasa, chef de l'opposition et fils de l'ex-président Ranasinghe Premadasa.

M. Gunaratnam s'était également battu pour renverser son gouvernement dans les années 1980.

Au nombre des ministres de l'époque, était Ranil Wickremesinghe, aujourd'hui président par intérim et favori pour succéder à Gotabaya Rajapaksa. Autant d'illustrations d'un entre-soi flagrant.

Aussi, aucun candidat ne trouve grâce aux yeux de la majorité des militants de la contestation sri-lankaise qui accuse les dirigeants de laisser prospérer la corruption et la violence politique.

M. Gunaratnam, qui a abandonné depuis longtemps la lutte armée, estime qu'il faut que la campagne menée dans la rue se poursuive et impose des réformes politiques plus profondes.

"Nous n'attendons pas la démocratie du pouvoir", souligne-t-il, "c'est d'ailleurs ce qui a poussé les gens à descendre dans la rue : ils ont montré ce qu'est la démocratie".

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