Guerre en Ukraine: la situation sur le terrain au 172e jour #
L'armée ukrainienne accentuait dimanche la pression sur la tête de pont russe autour de Kherson, dans le sud du pays, tandis que la Russie intensifiait ses efforts pour avancer dans l'est, jusqu'à présent sans grands succès.
"Au cours de la semaine écoulée la priorité de la Russie a vraisemblablement été de réorienter des unités pour se renforcer dans le sud de l'Ukraine", résume le ministère britannique de la Défense.
"Toutefois, dans le Donbass (est, NDLR) les forces soutenues par la Russie, en grande partie les milices de l'autoproclamée +République populaire de Donetsk+, ont continué à tenter des assauts au nord de la ville de Donetsk", précise-t-il.
Pour l'ancien colonel français Michel Goya, "on s'approche du point Oméga, ce moment où les ressources disponibles en stock ou en production ne suffisent plus à alimenter les attaques".
"Celles-ci continuent bien sûr, du côté de Bakhmout (...) ou plus au sud à proximité de la ville de Donetsk, mais le rendement global de tous ces combats en km2 conquis depuis un mois est le plus faible de toute la guerre", soulignait-il cette semaine sur son blog.
Voici un point de la situation au 172e jour de la guerre à partir d'informations des journalistes de l'AFP sur place, de déclarations officielles ukrainiennes et russes, de sources occidentales, d'analystes et d'organisations internationales.
Dans la région de Kherson, première ville d'importance tombée le 3 mars, l'Ukraine a affirmé avoir quasiment isolé les troupes russes déployées sur la rive ouest du Dniepr par des bombardements qui ont rendu les trois ponts de la zone impraticables.
"Les seuls moyens de traverser le fleuve pour l'occupant sont des pontons près du pont Antonivski mais ils ne pourront pas totalement répondre à leurs besoins en équipement et en munitions", a déclaré un député régional, Serguiï Khlan.
Outre le pont Antonivski, en banlieue de Kherson, plusieurs fois touché par des missiles depuis fin juillet, celui du barrage de Nova Kakhovka, à 50 kilomètres au nord-est, a été frappé à plusieurs reprises cette semaine, y compris samedi, selon l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW).
"Acheminer par des pontons ou par voie aérienne les munitions, le carburant et l'équipement lourd nécessaires à des opérations offensives ou même à des opérations défensives à grande échelle est peu pratique, voire impossible", explique l'ISW.
"Si les forces ukrainiennes ont paralysé ces trois ponts et peuvent empêcher les Russes d'en remettre aucun en état de fonctionner pendant une période prolongée, alors les forces russes sur la rive ouest du Dniepr perdront probablement la capacité de se défendre même face à des contre-attaques ukrainiennes limitées", poursuit-il.
A Donetsk, une des deux régions du bassin houiller du Donbass, dont le président ukrainien Volodymyr Zelensky a ordonné le 30 juillet l'évacuation de la population, "des combats particulièrement intenses se sont concentrés sur le village de Pisky, près du site de l'aéroport de Donetsk", selon le ministère britannique de la Défense.
"L'assaut russe vise probablement à contrôler l'autoroute M04, principal accès à Donetsk en provenance de l'ouest", estime-t-il.
"Les forces russes avaient apparemment réduit leurs actions offensives à l'est de Siversk et menaient des attaques terrestres sporadiques et limitées tout en s'appuyant largement sur les bombardements d'artillerie contre les localités environnantes depuis le 6 août", remarque l'ISW.
"En revanche, depuis le 11 août, elles ont augmenté le nombre de leurs attaques terrestres dans la zone de Siversk", ajoute-t-il, y voyant une possible tentative de forcer l'Ukraine à y engager davantage de forces et d'équipement et de la détourner ainsi d'éventuelles contre-attaques accrues dans le Sud.
bur-sst/cpy
Vote des étrangers: "une question de justice sociale" pour Rebsamen #
Accorder le droit de vote aux étrangers extra-communautaires pour les élections municipales est "une question de justice sociale" dans une France "à la traîne" sur ce sujet, estime dans le JDD l'ancien ministre PS François Rebsamen, soutien d'Emmanuel Macron.
Le député Sacha Houlié, membre de l'aile gauche du groupe présidentiel Renaissance, a déposé "à titre personnel" une proposition de loi constitutionnelle visant à "accorder le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales" à "tous les étrangers, même non européens".
L'initiative a reçu un accueil favorable à gauche et suscité des critiques d'élus de droite et d'extrême-droite. Et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin y est "fermement opposé".
"C'est une question de justice sociale. Les ressortissants communautaires peuvent participer aux scrutins municipaux. Dès lors, l'argument qu'on nous opposait sans cesse - et que la droite continue de brandir - selon lequel accorder un tel bénéfice rompt le lien existant entre nationalité et citoyenneté tombe de lui-même", estime M. Rebsamen.
"Pourquoi les uns et pas les autres, sauf à faire preuve de rejet, voire de racisme, vis-à-vis de certains de nos concitoyens ? Pourquoi ce traitement différencié, notamment envers ceux qui viennent de l'autre côté de la Méditerranée ? La peur de l'islamisme radical fait qu'aujourd'hui nombreux sont ceux qui crient au loup avec le Rassemblement national", ajoute-t-il.
M. Rebsamen se "félicite" donc de l'initiative de Sacha Houlié mais prône plutôt la reprise d'un texte adopté par l'Assemblée mais aussi par le Sénat, alors à majorité de gauche, en 2011.
"Ce que la gauche n'a pas eu le courage de faire sous François Hollande, (...) elle peut le faire à présent. C'est une occasion rêvée pour montrer que l'Assemblée nationale peut voter des textes de gauche", plaide-t-il.
Le droit de vote des étrangers aux élections locales avait été promis par François Mitterrand et François Hollande, sans aboutir.
Quant à l'idée "qu'en autorisant les étrangers à voter aux élections municipales il y aura des listes communautaires", selon M. Rebsamen "c'est faux " car la proposition "précise bien qu'ils ne peuvent pas être élus maire ou adjoint ni membre du collège électoral des sénateurs".
bpa/cg/npk
Pour les militantes évacuées de Kaboul, rêves et cauchemars du combat en exil #
A peine évacuée de Kaboul vers Paris, à l'été 2021, Farzana Farazo promettait de poursuivre le combat féministe en exil. Un an plus tard, elle est "déprimée": pour elle comme pour les autres militantes réfugiées, les espoirs se sont vite heurtés à une intégration semée d'embûches.
L'ancienne policière, rencontrée à nouveau par l'AFP douze mois après la prise de pouvoir des talibans le 15 août 2021, confie ne pas avoir dormi pendant des mois.
Exfiltrée en priorité par la France en raison de son militantisme, cette membre de la minorité hazara persécutée par les talibans vit toujours chez une hébergeuse associative, en banlieue parisienne.
"Franchement, je n'ai rien fait de spécial", avoue la jeune femme de 29 ans. "D'abord, je ne parle pas assez français, et on a une différence de conception de l'action militante. Ici, on parle beaucoup."
Depuis un an, elle passe de cours de français en rendez-vous avec une assistante sociale et attend de se voir attribuer un logement: "J'ai rencontré beaucoup de difficultés", dit-elle pudiquement.
"Quand tu ne te sens pas bien, c'est difficile de te concentrer. Comme beaucoup d'autres, j'étais indépendante en Afghanistan, j'avais un emploi, je suis éduquée. Donc se retrouver démunie en France, c'est difficile et ça nous plonge dans la dépression."
A tel point que de nombreuses camarades de lutte rencontrées à l'été 2021 ont refusé une nouvelle rencontre, évoquant pour beaucoup la "honte" de n'avoir rien accompli de concret.
Ces réfugiés sont "engagés dans le processus d'intégration", mais il "reste très insuffisant" en particulier sur le plan de la langue, estime Didier Leschi, patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'organisme public chargé d'organiser l'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés.
"Mais elles sont plus aidées que le reste des Afghans, qui ne peuvent compter que sur l'Etat, car elles ont des réseaux culturels, professionnels en place", nuance-t-il.
Mursal Sayas, journaliste et militante féministe, dit avoir eu "de la chance dans (son) malheur", en recevant dans son appartement avec vue imprenable sur la tour Eiffel. Le logement lui a été mis à disposition par une éditrice qui lui a commandé un livre sur la condition féminine en Afghanistan.
"On a tout perdu, notre pays, notre liberté, nos accomplissements. On a été soudain propulsées dans un pays avec tout à refaire. Mais la France est devenue notre maison au moment où notre pays s'est enfoncé dans l'obscurité. Alors même si c'est dur, c'est notre responsabilité de continuer à militer, parce qu'on peut parler, on a la liberté d'expression que les filles en Afghanistan n'ont plus. On doit dénoncer les injustices, les inégalités, l'apartheid contre les femmes", développe-t-elle, carré brun bouclé et mains manucurées.
Lors des premiers mois après l'arrivée des talibans, des femmes ont organisé des manifestations en Afghanistan. Mais ces rassemblements ont quasiment cessé, après que plusieurs de ces manifestantes ont été arrêtées et sévèrement battues en prison, selon des témoignages rapportés par Amnesty International.
Les Afghanes qui ont fui le pays parce que leur vie était en danger "sont une source d'énergie positive pour nous", déclare à l'AFP, à Kaboul, une femme qui avait participé aux manifestations dans la capitale. "Nous savons qu'elles n'oublient pas les femmes d'Afghanistan".
A Paris, une petite musique a plongé Mursal Sayas dans un profond malaise, qu'elle a décrit dans un article pour Courrier international, posé sur sa table basse avec le dernier numéro de Paris Match consacré au "martyre" des femmes afghanes. Elle vivait alors en centre d'hébergement et "l'Afghanistan avait disparu des médias". "On entendait dire qu'il fallait plutôt accueillir les Ukrainiens, parce qu'ils sont +civilisés+ et qu'ils ont les yeux bleus. C'était dégoûtant."
En quittant son pays, a-t-elle fait le bon choix ? "Tous les jours, quand je me réveille et que je ne peux pas voir mes proches, ça me fait mal. Mais quand je pense que j'aurais pu être capturée par les talibans et ne plus jamais parler de mes soeurs (afghanes), je trouve que c'est pire", résume-t-elle.
Pour d'autres, un sentiment de déclassement s'est ajouté aux difficultés d'intégration et aux affres du déracinement.
"Je suis en crise identitaire", reconnaît Rada Akbar, une artiste arrivée en France il y a un an. "Et ça va me prendre du temps pour gérer ça, je ne peux pas juste devenir une nouvelle personne", relève la dessinatrice de 34 ans, qui veut donner à voir les "pertes invisibles" de la culture afghane lors du conflit avec les talibans.
Elle aussi assure que le combat continue. Mais d'un mot, elle résume ce que sont devenus les espoirs d'août 2021: un "cauchemar".
sha/fmp/ybl
Paris: un campement de 281 migrants évacués près du canal de l'Ourcq #
Un ensemble de 281 migrants ont été évacués vendredi d'un campement de fortune près du canal de l'Ourcq à Paris, pour une mise à l'abri, a appris l'AFP de sources concordantes.
L'opération s'est déroulée vendredi matin, rue Delphine Seyrig dans le XIXème arrondissement, en présence de l'association France Terre d'Asile.
281 "hommes isolés" ont été pris en charge, orientés vers des hébergements d'accueil de la région parisienne, où ils "vont bénéficier d'une évaluation de leur situation administrative, d'un accompagnement social, sanitaire et administratif avant d'être ré-orientées au regard de leur situation", indique la préfecture d'Ile-de-France dans un communiqué.
Sur ces 281 migrants, 55 seront hébergés en province, a précisé une source policière à l'AFP. Mais près de 80 d'entre eux n'ont pas eu de places et ont dû être laissées à la rue, ajoute t-elle.
Toujours selon la même source, une soixantaine de personnes dites "vulnérables" - des familles et des femmes isolées - ont été orientées vers les accueils de jour à Paris, dont 23 adultes et 19 enfants accompagnés par les services parisiens de l'Unité d'Assistance aux Sans-Abri (Uasa) et la Direction des Solidarités (DSOL).
Selon la préfecture de région, 3.493 personnes ont ainsi été mises à l'abri depuis le début de l'année, dans le cadre de 13 opérations conduites par les services de l'État.
Plus de 156.000 personnes en situation de précarité bénéficient d'une prise en charge au titre de l'hébergement en Île-de-France et chaque nuit.
law/cb/rhl
Sous les talibans, l'Afghanistan a perdu plus de la moitié de ses journalistes, selon RSF #
Un an après l'instauration d'un régime islamiste fondamentaliste par les talibans, l' Afghanistan a perdu plus de la moitié de ses journalistes, en particulier des femmes, selon une étude publiée vendredi par l'organisation de défense de la presse RSF (Reporters sans frontières).
"Sur 11.857 journalistes recensés avant l'arrivée au pouvoir des talibans, il n'en reste aujourd'hui que 4 759. Les femmes journalistes sont les premières victimes de cette onde de choc: 76,19 % d'entre elles ont perdu leur emploi", selon les estimations de RSF.
"Le 15 août 2021, le pays comptait 547 médias. Un an plus tard, 219 ont cessé leurs activités", alors que dans le même temps, "4 ont été créés", poursuit l'ONG dans cette étude publiée sur son site.
"Dans certaines provinces, c'est notamment l'obligation de remplacer les programmes musicaux ou d'information par des programmes religieux, qui ont poussé certains médias à cesser leur diffusion", selon RSF.
L'ONG pointe aussi "de nouvelles contraintes économiques, telles que l'arrêt de l'aide internationale ou nationale et la baisse des revenus publicitaires dans un contexte de crise économique aiguë, qui ont mené à l'arrêt de l'activité de certains médias".
Les femmes sont particulièrement concernées: elles étaient 2.756 journalistes et collaboratrices des médias avant la prise de pouvoir des talibans, et ne sont désormais plus que 656, essentiellement dans la région de la capitale, Kaboul.
Et sur 34 provinces, 11 ne comptent plus aucune femme journaliste.
"Les conditions de vie et de travail des femmes journalistes en Afghanistan ont toujours été difficiles, mais aujourd'hui, nous vivons une situation sans précédent", a déclaré à RSF Meena Habib, une journaliste qui exerce à Kaboul
Selon RSF, au moins 80 journalistes afghans ont été interpellés durant l'année écoulée, et trois sont actuellement emprisonnés.
"En Afghanistan, le journalisme a subi une véritable hécatombe depuis un an", a commenté Christophe Deloire, secrétaire général de RSF.
"Les autorités doivent s'engager à mettre un terme aux violences et aux pressions que subissent les professionnels des médias, et à les laisser faire leur travail sans qu'ils soient inquiétés", a-t-il poursuivi.
L'Afghanistan occupe la 156e place du classement annuel de RSF sur la liberté de la presse, qui compte 180 pays.
pr/elc/vk
Immigration : le tour de chauffe agité de Darmanin #
A peine sorti de la polémique sur le Stade de France, Gérald Darmanin laboure depuis le début de l'été le terrain de l'immigration, préparant le débat annoncé à l'automne, quitte à essuyer quelques revers.
Le chaos de la finale de la Ligue des champions fin mai, qu'il avait imputé à tort aux seuls supporters anglais, aurait pu fragiliser les grandes ambitions du ministre de l'Intérieur.
Mais la séquence, que la majorité présidentielle a traînée comme un boulet tout au long de la campagne des législatives, se solde finalement en juin par sa confortable élection dans le Nord et un portefeuille élargi début juillet aux Outre-mer, une première depuis dix ans.
Gérald Darmanin bénéficie même, quelques jours plus tard, d'un non-lieu - attendu - dans l'enquête pour viol qui le vise depuis 2017.
L'orage passé, il impose dans l'opinion le thème de l'immigration au moment où le ministre de l'Economie Bruno le Maire, l'un de ses rivaux désignés pour la course à l'Elysée en 2027, attrape la lumière avec l'examen du projet de loi sur le pouvoir d'achat.
Dans un premier entretien accordé au Monde, le 9 juillet, le ministre de l'Intérieur annonce sa volonté de supprimer les verrous qui empêchent l'expulsion des étrangers condamnés par la justice, avant d'assumer, plus tard sur BFMTV, "une forme de double peine".
"Il a le côté très Sarko de +j'ai confiance et puis j'y vais et on verra+", expliquait au printemps à l'AFP un cadre de la majorité, juste avant le remaniement. Puis d'ajouter : "Il est très cyclique. C'est quand il est dans une phase de très grande confiance qu'il est le plus en danger".
Au risque de se prendre les pieds dans le tapis.
Le 24 juillet, il annonce sur Twitter l'arrestation d'un "délinquant étranger" après l'agression de policiers à Lyon, "totalement mis hors de cause" dans la foulée par le parquet.
L'offensive se poursuit deux jours plus tard, sur RTL, avec l'annonce d'un projet de loi immigration "à la rentrée de septembre".
Le 29 juillet, il signe lui-même l'arrêté d'expulsion de l'imam Hassan Iquioussen, accusé d'avoir tenu des propos antisémites, sexistes, homophobes et complotistes, remontant pour certains à plus de 20 ans et qui n'ont jamais fait l'objet d'une condamnation pénale.
Il a finalement dû rentrer dans le rang : la Première ministre Elisabeth Borne lui a imposé un "grand débat" sur l'immigration en , repoussant de facto l'examen du texte, et le tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de l'expulsion du prédicateur.
Concernant l'imam, l'issue de son recours devant le Conseil d'Etat - qui doit l'examiner le 26 août - pourrait renforcer ou affaiblir sa position, selon la décision des magistrats, à l'orée de la rentrée.
Son activisme pourrait-il gêner le gouvernement ? "Je ne pense pas, répond à l'AFP le politologue Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF. On le laisse faire, parce qu'on sait que c'est son thème, son style, que les Français l'identifient comme ça, quitte à temporiser si le pas de côté devient trop important par rapport à la ligne".
Du côté des oppositions, l'agitation et les déconvenues du ministre suscitent critiques et sarcasmes.
"Frustré de ne pas exister (...) lorsqu'on parle de pouvoir d'achat", Gérald Darmanin "sature les ondes médiatiques avec un discours sécuritaire et répressif", dénonce le député de La France insoumise David Guiraud .
A droite, le député LR Aurélien Pradié cingle un ministre qui "a toujours cette facilité à montrer ses muscles et au final à reculer".
"Gérald Darmanin est obsédé par sa carrière et le fait de se positionner pour 2027, c'est ça son projet", ironise la députée Nupes-EELV Sandrine Rousseau. "Il utilise l'immigration et la sécurité pour faire en sorte qu'en 2027 il soit incontournable", donc "qu'on ralentisse ses ambitions ne me semble pas être un problème majeur", a-t-elle ajouté.
Quand on l'interroge sur ses envies d'Elysée, l'ex-LR botte en touche : "avant l'heure, c'est pas l'heure", répète Gérald Darmanin, revendiquant sans cesse le "bon sens populaire" de sa grand-mère.
ggy-alh/sp
Immigration : le tour de chauffe agité de Darmanin #
A peine sorti de la polémique sur le Stade de France, Gérald Darmanin laboure depuis le début de l'été le terrain de l'immigration, préparant le débat annoncé à l'automne, quitte à essuyer quelques revers.
Le chaos de la finale de la Ligue des champions fin mai, qu'il avait imputé à tort aux seuls supporters anglais, aurait pu fragiliser les grandes ambitions du ministre de l'Intérieur.
Mais la séquence, que la majorité présidentielle a traînée comme un boulet tout au long de la campagne des législatives, se solde finalement en juin par sa confortable élection dans le Nord et un portefeuille élargi début juillet aux Outre-mer, une première depuis dix ans.
Gérald Darmanin bénéficie même, quelques jours plus tard, d'un non-lieu - attendu - dans l'enquête pour viol qui le vise depuis 2017.
L'orage passé, il impose dans l'opinion le thème de l'immigration au moment où le ministre de l'Economie Bruno le Maire, l'un de ses rivaux désignés pour la course à l'Elysée en 2027, attrape la lumière avec l'examen du projet de loi sur le pouvoir d'achat.
Dans un premier entretien accordé au Monde, le 9 juillet, le ministre de l'Intérieur annonce sa volonté de supprimer les verrous qui empêchent l'expulsion des étrangers condamnés par la justice, avant d'assumer, plus tard sur BFMTV, "une forme de double peine".
"Il a le côté très Sarko de +j'ai confiance et puis j'y vais et on verra+", expliquait au printemps à l'AFP un cadre de la majorité, juste avant le remaniement. Puis d'ajouter : "Il est très cyclique. C'est quand il est dans une phase de très grande confiance qu'il est le plus en danger".
Au risque de se prendre les pieds dans le tapis.
Le 24 juillet, il annonce sur Twitter l'arrestation d'un "délinquant étranger" après l'agression de policiers à Lyon, "totalement mis hors de cause" dans la foulée par le parquet.
L'offensive se poursuit deux jours plus tard, sur RTL, avec l'annonce d'un projet de loi immigration "à la rentrée de septembre".
Le 29 juillet, il signe lui-même l'arrêté d'expulsion de l'imam Hassan Iquioussen, accusé d'avoir tenu des propos antisémites, sexistes, homophobes et complotistes, remontant pour certains à plus de 20 ans et qui n'ont jamais fait l'objet d'une condamnation pénale.
Il a finalement dû rentrer dans le rang : la Première ministre Elisabeth Borne lui a imposé un "grand débat" sur l'immigration en octobre repoussant de facto l'examen du texte et le tribunal administratif de Paris a ordonné la suspension de l'expulsion du prédicateur.
Concernant l'imam, l'issue de son recours devant le Conseil d'Etat - qui doit l'examiner le 28 août - pourrait renforcer ou affaiblir sa position, selon la décision des magistrats, à l'orée de la rentrée.
Son activisme pourrait-il gêner le gouvernement ? "Je ne pense pas, répond à l'AFP le politologue Bruno Cautrès, chercheur CNRS au CEVIPOF. On le laisse faire, parce qu'on sait que c'est son thème, son style, que les Français l'identifient comme ça, quitte à temporiser si le pas de côté devient trop important par rapport à la ligne".
Du côté des oppositions, l'agitation et les déconvenues du ministre suscitent critiques et sarcasmes.
"Frustré de ne pas exister (...) lorsqu'on parle de pouvoir d'achat", Gérald Darmanin "sature les ondes médiatiques avec un discours sécuritaire et répressif", dénonce le député de La France insoumise David Guiraud .
A droite, le député LR Aurélien Pradié cingle un ministre qui "a toujours cette facilité à montrer ses muscles et au final à reculer".
"Gérald Darmanin est obsédé par sa carrière et le fait de se positionner pour 2027, c'est ça son projet", ironise la députée Nupes-EELV Sandrine Rousseau. "Il utilise l'immigration et la sécurité pour faire en sorte qu'en 2027 il soit incontournable", donc "qu'on ralentisse ses ambitions ne me semble pas être un problème majeur", a-t-elle ajouté.
Quand on l'interroge sur ses envies d'Elysée, l'ex-LR botte en touche : "avant l'heure, c'est pas l'heure", répète Gérald Darmanin, revendiquant sans cesse le "bon sens populaire" de sa grand-mère.
ggy-alh/lbx/dch
Les débats sur l'immigration relancés par Darmanin avant même la rentrée #
En soulevant une polémique sur l'expulsion d'un imam, Gérald Darmanin a lancé, avant même la rentrée, le débat sur l'immigration, un thème cher à la droite et l'extrême droite qui l'accusent d'immobilisme et dont s'est aussi emparé l'aile gauche de la majorité pour défendre le droit de vote des étrangers.
Au beau milieu de l'été, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a exhumé dans un tweet les "discours haineux" d'un imam marocain, Hassan Iquioussen, pour annoncer son expulsion.
Il s'est d'ailleurs dit "plus déterminé que jamais" à le renvoyer au Maroc, selon une source proche du gouvernement, malgré un premier veto à l'expulsion opposé la semaine dernière par le tribunal administratif de Paris.
En attendant une décision définitive du Conseil d'Etat, attendue fin août, Gérald Darmanin en a profité pour défendre son intention de légiférer pour faciliter l'expulsion d'étrangers condamnés pour des délits, après avoir dit fin juillet assumer une forme de "double peine".
Car son projet de loi immigration, qu'il espérait faire examiner au Parlement dès la rentrée, a été freiné et n'arrivera pas au Sénat avant décembre. Il devra être précédé d'un "grand débat" sur l'immigration, "à la demande" de la Première ministre Elisabeth Borne.
SOS Racisme s'était réjoui d'un "recadrage" de la Première ministre. Selon le Canard Enchaîné, Emmanuel Macron a justifié le report en appelant à "prendre le temps" et à "ne pas foncer tête baissée".
Le chef de l'Etat "est en désaccord sur la forme: il trouve que Darmanin va trop loin", croit savoir Aurélien Taché, ancien député macroniste passé à la Nupes, pour qui le ministre "pense à 2027" et "cherche à faire de l'esbroufe".
De quoi déclencher le courroux de l'extrême droite qui, à l'instar de la cheffe des députés RN Marine Le Pen, dénonce "des années de lâcheté des gouvernements et la soumission à des traités iniques" européens. Mais aussi de la droite, sur laquelle la macronie devra compter pour faire adopter de nouvelles mesures, faute de majorité absolue au Parlement.
Le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, a mis en garde contre "une réforme cosmétique", en estimant que le report de la loi est "la conséquence de l'immobilisme auquel conduit le +en même temps+ macroniste sur les sujets régaliens".
"La macronie, c'est un peu l'auberge espagnole: on y trouve tout et son contraire. Et au final, c'est souvent l'impuissance qui triomphe", a renchéri jeudi le député LR Eric Ciotti dans Le Figaro.
Un "en même temps" qui s'est incarné, à l'autre bout de la majorité, par une proposition de loi constitutionnelle visant à accorder le droit de vote aux étrangers extra-européens aux élections municipales.
Cette promesse historique de la gauche a été déposée par le député Renaissance et président de la commission des Lois Sacha Houlié, qui a reçu le soutien de la Nupes.
Une réponse au ministre ? "Le fait que Gérald Darmanin soit tout de suite monté au créneau contre la proposition de Sacha Houlié montre que le débat sera compliqué dans la majorité", relève Bruno Cautrès, chercheur CNRS au Cevipof.
M. Houlié assure pourtant auprès de l'AFP ne pas être inquiet: "Pouvoir embrasser l'intégralité des sujets qui touchent de près ou de loin les étrangers en France, c'est une façon de donner un peu de hauteur" au débat, défend-il.
Une ligne néanmoins "minoritaire" dans la majorité aujourd'hui, estime François Gemenne, professeur à Sciences-Po et spécialiste des migrations internationales - par ailleurs membre de l'équipe du candidat à la présidentielle EELV Yannick Jadot.
Le chef de l'Etat a progressivement musclé son programme en la matière, souhaitant rester entre "fermeté" vis-à-vis des clandestins et "conditions dignes" d'accueil pour les réfugiés. Pour François Gemenne, Emmanuel Macron a "surtout délégué ce dossier à son ministre de l'Intérieur" sur fond de "droitisation des politiques migratoires".
Un pari risqué, selon Bruno Cautrès: "Si, au fur et à mesure du mandat d'Emmanuel Macron, on voit dans deux-trois ans que les arbitrages sont plutôt rendus en faveur de la ligne Darmanin que de la ligne du pôle social-démocrate, cela peut aboutir à de vraies tensions comme lors du premier mandat".
cgc/ib/pab/vk