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Défendre les Ouïghours ou vendre en Chine? L'industrie textile au pied du mur #

3/30/2021, 5:00 AM
Paris, FRA

Sommées par la Chine de renier la cause ouïghoure, de grandes marques de vêtements sont au pied du mur: comment satisfaire des consommateurs occidentaux toujours plus exigents sur l'éthique, sans se fermer les portes de la deuxième puissance économique mondiale?

"Ce bras de fer est kafkaïen. Et c'est la première fois que les réactions en Chine sont simultanées, entre la Ligue de la jeunesse communiste (affiliée au parti au pouvoir, NDLR, et qui anime la campagne de boycott), les plateformes de vente en ligne, les consommateurs et les influenceurs", résume à l'AFP Eric Briones, cofondateur de l'école Paris School of Luxury.

A l'origine du conflit, le coton: 20% de la production mondiale provient de Chine, essentiellement de la province du Xinjiang peuplée d'Ouïghours, une minorité musulmane réprimée et exploitée par Pékin selon les défenseurs des droits humains, ce que nie le régime communiste.

La semaine dernière, en réaction aux sanctions imposées par le Royaume-Uni, l'UE, les Etats-Unis et le Canada à la Chine pour son traitement des Ouïghours, les engagements pris en 2020 par plusieurs géants du textile - tels H&M, Nike ou Uniqlo - de ne plus s'approvisionner en coton du Xinjiang ont opportunément refait surface sur le réseau social chinois Weibo.

Ont suivi une marée d'appels au boycott sur les réseaux sociaux visant Nike, H&M mais aussi Adidas ou enore Zara, dont certains produits ont été retirés des principaux sites chinois de vente en ligne. Parallèlement, des acteurs ou chanteurs ont annoncé cesser d'être ambassadeurs d'image pour ces groupes occidentaux.

"Si vous êtes une marque engagée et que vous décidez de reculer, vous perdez toute crédibilité. Et si vous restez sur votre position, vous vous coupez du marché chinois qui est le poumon de l'économie mondiale", met en avant Eric Briones.

"Mais si ces marques ont besoin de la Chine, la Chine a-t-elle besoin d'elles?", s'interroge cet expert, citant l'exemple de Nike dont les dernières ventes trimestrielles ont bondi de 51% en Chine, mais ne grignotent que +3% au niveau mondial.

Crucial pour le luxe, le marché chinois l'est aussi pour la mode à petits prix, la "fast fashion", et pour le sportswear.

Les équipementiers sportifs Nike et Adidas comptent ainsi chacun plusieurs milliers de magasins dans le pays, le groupe américain ayant réalisé l'an dernier en "Grande Chine" (Hong Kong et Macao inclus) 18% de son chiffre d'affaires annuel.

- "Intimidation" -

Côté mode, la Chine est le quatrième marché pour le géant suédois H&M, qui y compte un peu plus de 500 magasins et y a engrangé près de 280 millions d'euros de ventes au cours des mois de septembre, octobre et novembre. Son rival espagnol Inditex, maison mère de Zara, compte 337 boutiques dans le pays.

"La Chine a pris tout le monde de court et joue les gros bras: cela montre que la pression politique internationale commence à porter ses fruits. C'est clairement de l'intimidation pour voir jusqu'où les enseignes vont être capables d'aller", juge Nayla Ajaltouni, coordinatrice du collectif Ethique sur l'étiquette.

Elle est la représentante en France de la coalition internationale End Forced Labour in the Uyghur Region rassemblant 180 ONG et syndicats, qui apelle dans un communiqué les marques à "ne pas échanger leurs principes sur les droits humains pour conserver un avantage commercial".

Selon cette coalition, suite aux appels au boycott chinois, certaines marques sont "revenues" sur leurs engagements concernant le travail forcé, en retirant des communiqués de presse ou en modifiant leurs positions, comme Inditex qui ne mentionne plus spécifiquement le Xinjiang dans ses principes de "tolérance zéro" figurant sur son site, affirme la coalition à l'AFP.

Si H&M a déclaré n'endosser "aucune position politique", la majorité des marques restent silencieuses, attendant de voir si la tempête retombe. Une des rares à prendre position a été la chaîne italienne de vêtements OVS (1.750 magasins), annonçant vendredi qu'elle arrêtait de se fournir en coton du Xinjiang, et appelant les autres marques "à ne pas céder aux pressions et à choisir leur camp: droits humains ou intérêts commerciaux".

"Il faut aussi raison garder, car ce boycott n'est pour l'instant que numérique et les boutiques physiques sont ouvertes", tempère l'expert Eric Briones.

Il attire aussi l'attention sur le fait que "le luxe n'est pour l'instant pas concerné, mais seulement la +fast fashion+ et le sportswear, justement des secteurs où les marques chinoises sont de plus en plus puissantes. Certaines, comme Anta ou Li Ning, ont d'ailleurs bondi à la Bourse de Hong Kong", atteignant en fin de semaine dernière leur plus haut niveau depuis un mois.

kd/aue/eb/ob

NIKE

FAST RETAILING

WEIBO

HENNES & MAURITZ

INDITEX - ZARA

ADIDAS

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MAR 29

Migrants à Calais: la justice refuse une évacuation de terrain demandée par la mairie #

3/29/2021, 8:16 PM
Lille, FRA

La justice a rejeté une requête en référé de la mairie de Calais, qui réclamait l'évacuation d'un terrain occupé par 200 migrants, considérant qu'elle n'avait "pas démontré l'urgence", ni apporté la preuve d'un risque pour la salubrité ou la sécurité publique, a-t-on appris lundi.

La commune de Calais "ne démontre pas, en l'état de l'instruction, l'urgence qu'il y aurait à ordonner sans délai l'évacuation des occupants sans titre" de ce terrain sportif situé à l'est de la ville, tranche la juge des référés dans une ordonnance rendue le 26 mars, et consultée par l'AFP.

La commune de Calais avait déposé cette requête le 15 mars, demandant à la justice de "l'autoriser à requérir le concours de la force publique".

Elle arguait notamment que les migrants campaient "dans des conditions précaires, inadaptées et dangereuses", générant "des atteintes à la salubrité (...) et à la sécurité publique" en raison notamment de la présence de passeurs, de "rixes et altercations régulières" ou de risques d'accident au vu de la proximité d'une nationale. Selon elle, le campement "portait atteinte au fonctionnement normal du service public du sport".

Quatre exilés vivant sur ce terrain, rejoints par les associations La Cabane juridique et Utopia 56, avaient demandé le rejet de cette requête.

"Il résulte de l'instruction que sont installées, depuis plusieurs mois, le long des clôtures et des haies du terrain", environ 180 personnes migrantes, "en majorité de nationalité érythréenne", peut-on lire dans cette ordonnance.

"Le camp est composé de tentes en bon état, espacées et installées de manière ordonnée" et la nourriture est entreposée "en faible quantité, rangée et stockée sous une bâche", sans présence de nuisibles, estime la juge.

Par ailleurs, le terrain se situe près d'un parking "sur lequel les services de l'Etat ont érigé, au profit des migrants, des installations sanitaires, et où l'association la Vie active (...) distribue des vivres", observe-t-elle.

Concernant les risques pour la sécurité publique, la commune n'apporte "aucun élément précis et circonstancié" tel que des procès-verbaux d'intervention des forces de l'ordre, note-t-elle. La ville n'apporte pas non plus de "plaintes des riverains s'agissant des nuisances de voisinage".

Enfin, les terrains du complexe sportif "sont actuellement fermés au public" en raison de la situation sanitaire, et "il n'est ni établi ni même allégué que les personnes présentes" aient endommagé les installations, concluant au rejet de la requête.

eva-cor/cab/dlm

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MAR 29

Blocage au Liban: "L'heure est venue de renforcer les pressions" (Paris) #

3/29/2021, 5:05 PM
Paris, FRA

La France estime que le moment est venu pour la communauté internationale de "renforcer les pressions" sur la classe politique libanaise pour la forcer à un accord de gouvernement, a estimé lundi son ministre de Affaires étrangères.

Cette augmentation des pression pourrait passer par l'établissement de sanctions contre certaines personnalités libanaises, avait expliqué mi-mars une source diplomatique française.

"Pour sortir le Liban de la crise, la solution passe par la formation d'un gouvernement compétent, prêt à travailler sérieusement et dans l'intérêt général à la mise en oeuvre de réformes connues de tous", a affirmé Jean-Yves Le Drian dans un communiqué après s'être entretenu avec différents responsables libanais.

"Le ministre a indiqué à ses homologues européens, de la région et internationaux qu'après sept mois de blocage, l'heure est venue de renforcer les pressions pour y parvenir", selon le communiqué.

Le chef de la diplomatie française s'est entretenu avec le président de la République libanaise Michel Aoun, le président du Parlement Nabih Berri et le président désigné du Conseil des ministres Saad Hariri.

"Il a rappelé que les forces politiques libanaises dans leur ensemble portent l'entière responsabilité de cette impasse", selon le texte. "Dans ce contexte, l'obstruction délibérée à toute perspective de sortie de crise, en particulier de la part de certains acteurs du système politique libanais, par des demandes inconsidérées et d'un autre temps doit cesser immédiatement".

Désigné en octobre, le Premier ministre Saad Hariri n'a toujours pas formé de gouvernement. L'équipe actuelle, qui gère les affaires courantes, a démissionné en août après l'explosion dévastatrice du port de Beyrouth (plus de 200 morts, des milliers de blessés).

Le pays traverse une crise économique très grave. La dépréciation de la livre libanaise, une explosion de la pauvreté et du chômage, l'érosion du pouvoir d'achat et la précarisation provoquent la colère de l'opinion publique, avec des manifestations et des blocages de routes sporadiques.

"C'est la responsabilité de toutes les forces politiques libanaises", insiste M. le Drian.

dla/fz/lpt

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MAR 29

Le nouveau président du Niger évoque "l'échec relatif" de la lutte antidjihadiste #

3/29/2021, 4:23 PM
Paris, FRA

Le nouveau président du Niger Mohamed Bazoum a qualifié lundi d'"échec relatif" la lutte antijihadiste dans son pays, appelant la force française Barkhane à conserver son aide au niveau aérien, même en cas de retrait partiel.

"Nous aurions souhaité, dans le cadre de la coopération avec l'armée française, avoir de meilleurs résultats que nous n'en avons. Cet échec relatif, c'est notre échec à tous, l'échec de l'ensemble de la coalition", a expliqué M. Bazoum dans une interview sur France 24/RFI.

Interrogé sur un possible retrait partiel de la force Barkhane, Mohamed Bazoum a assuré qu'il ne ressentirait "pas cela comme un abandon de la part des Français".

"Ce qui nous importe nous c'est une certaine présence des forces aériennes françaises qui, de mon point de vue, sera garantie quels que soient les effectifs français qui seront présents", a-t-il ajouté.

La force Barkhane comprend des troupes déployées au sol mais aussi un important volet aérien, avec trois drones Reaper, 7 avions de chasse et 20 hélicoptères, selon les derniers chiffres de l'état-major français.

Forte de 5.100 hommes, elle intervient au Mali et chez ses voisins sahéliens, dont le Niger, contre les jihadistes.

En France, cet effort militaire de longue haleine au Sahel suscite des interrogations croissantes, notamment dans l'opinion, alors que 50 soldats ont été tués au combat depuis 2013.

Mi-février, lors d'un sommet à N'Djamena avec les partenaires du G5 Sahel, le président Emmanuel Macron avait annoncé que Paris ne comptait pas réduire "dans l'immédiat" les effectifs de Barkhane.

Il avait toutefois esquissé une stratégie de sortie, à la faveur de renforts européens prêts à les rejoindre.

"Un retrait partiel de la France, dans la mesure où elle maintiendrait le dispositif aérien, n'aura pas de grand effet sur le cours de la situation et sur le rapport de force", a expliqué M. Bazoum, estimant que l'impact serait "davantage symbolique et politique qu'opérationnel".

Le chef de l'Etat nigérien a par ailleurs écarté tout dialogue avec les jihadistes, estimant que la situation de son pays était différente de celle du Mali.

"Nous ne pourrions pas envisager quelque dialogue que ce soit dans la mesure où il n'y a pas un seul chef jihadiste nigérien, une seule base de jihadistes sur notre territoire", a-t-il justifié.

La question du dialogue divise les Etats sahéliens, pris en tenaille entre leurs partenaires et leurs populations. Le Mali a retenu l'option mais ne l'a pas encore lancée officiellement.

pid/fz/blb

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MAR 29

Mozambique: les ambitions gazières de Total contrariées, mais certainement pas stoppées #

3/29/2021, 4:02 PM
Paris, FRA

Les violences au Mozambique risquent a minima de retarder un projet géant mené dans le gaz naturel liquéfié (GNL) par le groupe français Total, qui a toutefois d'autres moyens de se développer dans cette activité hautement stratégique.

Des dizaines de civils ont été tués ces derniers jours lors d'une spectaculaire attaque jihadiste dans le nord du pays, dans la ville de Palma, tandis que des milliers de personnes fuyaient la zone.

Total a annoncé samedi la suspension de ses opérations sur l'important projet gazier qu'il mène à une dizaine de kilomètres de la ville.

Et ce seulement quelques jours après avoir annoncé la reprise de la construction, gelée pendant des mois, de ce complexe qui doit, à terme, liquéfier, stocker et expédier du gaz naturel exploité dans la zone.

Le projet Mozambique LNG, mené par Total au sein d'un consortium, représente un investissement total de 20 milliards. Un financement de près de 15 milliards, le plus gros jamais signé en Afrique, avait été bouclé l'été dernier.

Le PDG de Total Patrick Pouyanné assurait en février que le projet, hérité de l'américain Anadarko, était encore "sur les rails" pour produire en 2024.

Il indiquait s'être mis d'accord avec le président mozambicain Filipe Nyusi pour qu'une "zone d'au moins 25 km autour de ce site" soit sécurisée par les autorités avant la reprise de l'activité. Un objectif désormais lointain, alors que Palma est tombée aux mains des jihadistes.

- "peut-être deux ans" -

"Est-ce que Total reviendra? Pas à court terme. Cela prendra peut-être deux ans pour que des instructeurs américains, portugais et autres forment une armée en état de combattre", estime Joseph Hanlon, un expert de la région à l'Open University britannique.

"Je pense que Total n'abandonnera pas, mais pourrait tout geler pendant le temps nécessaire, une année, deux années", juge pour sa part Michel Cahen, spécialiste de l'Afrique lusophone au CNRS.

"Je n'ai aucun doute sur le fait que le projet sera développé et entrera en production en dépit du degré très élevé de risque politique et de ce qui vient de se passer à Palma" même s'il "peut évidemment être reporté", abonde Francis Perrin, chercheur associé au Policy Center for the New South (Rabat) et directeur de recherche à l'IRIS (Paris).

Ce dernier souligne toutefois que Total s'est quoi qu'il en soit suffisamment diversifié pour ne pas dépendre de ce seul projet.

"Ils ont actuellement en exploitation dans le monde dix usines de liquéfaction du gaz naturel" et "couvrant les grandes régions mondiales", souligne-t-il. Ainsi même sans le Mozambique, Total "resterait un grand du GNL".

Le GNL représente en effet un pilier très important de la stratégie de Total dans sa quête de diversification et de verdissement.

- manne gazière -

La demande pour cette énergie, moins émettrice de CO2 que le pétrole et surtout le charbon lors de la combustion, a d'ailleurs continué à croître l'an dernier, malgré la crise sanitaire et économique, quand les autres sources d'énergie fossile déclinaient.

Ce gaz refroidi à -163 degrés, relativement bon marché, peut de plus être facilement acheminé par bateau au plus près des lieux de consommation.

Total, qui s'est hissé au deuxième rang mondial des compagnies privées (derrière Shell) dans ce domaine, n'a donc pas mis tous ses oeufs dans le même panier.

"Total a d'autres intérêts en Afrique, n'a dépensé qu'une petite partie des 20 milliards du projet et peut toujours s'en aller. Et même s'ils reviennent plus tard, ils demanderont un accord beaucoup plus favorable au Mozambique", souligne pour sa part Joseph Hanlon.

Si Total peut potentiellement se passer de ce gaz, le gouvernement du Mozambique a misé gros sur l'espoir de devenir l'un des plus gros exportateurs de GNL au monde. Un deuxième projet géant (Rovuma LNG) doit aussi être mené par l'américain ExxonMobil et l'italien Eni.

Selon le cabinet spécialisé WoodMackenzie, le projet Mozambique LNG doit à lui seul rapporter 3 milliards de dollars par an de revenus à l'Etat à partir du début des années 2030. Soit une manne extraordinaire pour ce pays dont le PIB est de quelque 15 milliards de dollars.

"Cette nouvelle guerre civile n'a pas été directement provoquée par la découverte de ces ressources gazières", observe au passage Michel Cahen, pour qui l'origine du conflit est à chercher dans une "dissidence salafiste locale", non dans une lutte pour le contrôle des ressources.

"Si Total est attaqué, c'est en tant qu'allié du gouvernement mozambicain", juge le spécialiste.

jmi/aue/abx

TOTAL

EXXONMOBIL

ENI

ANADARKO PETROLEUM

Shell

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MAR 29

Le nouveau président du Niger évoque "l'échec relatif" de Barkhane #

3/29/2021, 2:14 PM
Paris, FRA

Le nouveau président du Niger Mohamed Bazoum a qualifié lundi d'"échec relatif" la force antijihadiste française Barkhane au Sahel, estimant qu'un retrait partiel de celle-ci n'aurait pas de "grand effet" sur le terrain, à condition que l'appui aérien demeure.

"Nous aurions souhaité, dans le cadre de coopération avec l'armée française, avoir de meilleurs résultats que nous n'en avons. Cet échec relatif, c'est notre échec à tous, l'échec de l'ensemble de la coalition", a expliqué M. Bazoum dans une interview sur France 24/RFI.

"Un retrait partiel de la France, dans la mesure où elle maintiendrait le dispositif aérien, n'aura pas de grand effet sur le cours de la situation et sur le rapport de force", a-t-il ajouté.

La force Barkhane comprend des troupes déployées au sol mais aussi un important volet aérien, avec trois drones Reaper, 7 avions de chasse et 20 hélicoptères, selon les derniers chiffres de l'état-major français.

Forte de 5.100 hommes, elle intervient au Mali et chez ses voisins sahéliens, dont le Niger, contre les jihadistes.

En France, cet effort militaire de longue haleine au Sahel suscite des interrogations croissantes, notamment dans l'opinion, alors que 50 soldats ont été tués au combat depuis 2013.

Mi-février, lors d'un sommet à N'Djamena avec les partenaires du G5 Sahel, le président Emmanuel Macron avait annoncé que Paris ne comptait pas réduire "dans l'immédiat" les effectifs de Barkhane.

Il avait toutefois esquissé une stratégie de sortie, à la faveur de renforts européens prêts à les rejoindre.

Interrogé sur un possible retrait partiel de cette force, Mohamed Bazoum a assuré qu'il ne ressentirait "pas cela comme un abandon de la part des Français".

"Ce qui nous importe nous c'est une certaine présence des forces aériennes françaises qui, de mon point de vue, sera garantie quels que soient les effectifs français qui seront présents", a-t-il ajouté.

pid/fz/blb

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MAR 29

Aide aux migrants: décision majeure de la Cour de cassation mercredi pour Cédric Herrou #

3/29/2021, 11:33 AM
Paris, FRA

Dénouement judiciaire ou nouveau procès ? La Cour de cassation doit dire mercredi si elle confirme la relaxe de Cédric Herrou, une décision majeure pour l'agriculteur militant des Alpes-Maritimes devenu une figure de l'aide aux migrants en France.

La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire doit trancher en début d'après-midi sur l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon en 2020, ce qui pourrait signer le point final d'une longue procédure jalonnée de trois procès et d'une saisine du Conseil constitutionnel.

Cette décision est attendue par sa défense afin "qu'il soit ainsi reconnu de manière définitive que Cédric Herrou n'a fait qu'aider autrui et que, dans notre République, la fraternité ne peut être un délit", a déclaré son avocate Me Sabrina Goldman.

Le paysan de la vallée de la Roya est poursuivi pour avoir convoyé en 2016 environ 200 personnes sans-papiers, en majorité erythréennes et soudanaises, de la frontière italienne jusqu'à son domicile, puis avoir organisé avec des associations un camp d'accueil sur un ancien centre de vacances inoccupé de la SNCF.

Il a été condamné à une amende en première instance, puis à quatre mois de prison en appel en 2017: avec un autre militant, il a alors saisi le Conseil constitutionnel sur le "délit de solidarité" dont ils s'estimaient victimes.

Cette démarche a abouti à une décision historique en juillet 2018, les "Sages" ayant consacré "la liberté d'aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national".

Par la suite, le Parlement a dû modifier la loi en protégeant désormais des poursuites les personnes prodiguant une aide au "séjour" et à la "circulation" des migrants - mais non à leur "entrée" sur le territoire - si elle est apportée "sans contrepartie" et "dans un but exclusivement humanitaire".

Deux mois plus tard, la Cour de cassation a annulé la condamnation de Cédric Herrou et renvoyé l'affaire à Lyon, où il a été relaxé le 13 mai 2020.

Le parquet général de Lyon a alors formé un pourvoi en cassation - un recours dénoncé alors comme un "acharnement" par l'agriculteur et ses soutiens.

- "Exclusivement humanitaire" -

Dans sa décision, la cour lyonnaise a estimé qu'elle n'avait pas suffisamment d'éléments pour condamner Cédric Herrou, soulignant en particulier l'absence de "témoignage direct" et d'"audition" des sans-papiers concernés. Mais elle a aussi invoqué la nouvelle loi, constatant le "but exclusivement humanitaire" du militant aujourd'hui âgé de 41 ans.

Lors de l'audience le 3 mars au sein de la haute juridiction, l'avocat général, dont le rôle est de défendre la loi, a préconisé la cassation, une voie qui, si elle est suivie, peut mener à un quatrième procès.

Il a estimé que la cour d'appel de Lyon avait méconnu certaines dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et qu'elle avait insuffisamment motivé sa décision.

Il a soutenu que la cour ne s'était pas "expliquée" sur des éléments montrant que M. Herrou avait soustrait "sciemment" les personnes qu'il transportait aux contrôles de police, ce qui est selon lui susceptible de "contredire un but purement humanitaire".

Si son comportement a eu pour "conséquence - et non pour but - de soustraire ces personnes aux contrôles", cela "ne saurait en toute occasion ôter le caractère exclusivement humanitaire de l'aide apportée", a répliqué dans ses écritures Patrice Spinosi.

L'avocat à la Cour de Cédric Herrou a surtout affirmé que le pourvoi devait être rejeté car il revenait à "remettre en cause" la "souveraineté" des juges de Lyon, alors que la Cour de cassation juge seulement la conformité aux règles de droit, et non le fond des décisions.

Dans le dossier d'un autre habitant de la Roya, la Cour a estimé en février 2020 que le caractère "militant" et organisé de l'aide fournie n'excluait pas d'être exempté de poursuites.

L'universitaire niçois Pierre-Alain Mannoni, qui a saisi le Conseil constitutionnel au côté de Cédric Herrou, a lui aussi été relaxé par la cour d'appel de Lyon en octobre 2020. Il était poursuivi pour avoir transporté en 2016 trois Érythréennes venues d'Italie.

Là aussi, le parquet général a formé un pourvoi en cassation.

alv-clr/tib/ide

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MAR 29

Le procès du bombardement de Bouaké s'ouvre "avec beaucoup de questions" #

3/29/2021, 9:18 AM
Paris, FRA

Le procès du bombardement qui a tué neuf soldats français en 2004 à Bouaké (Côte d'Ivoire) s'est ouvert lundi à Paris, en l'absence des trois accusés biélorusse et ivoiriens mais avec des familles de victimes qui espèrent avoir "enfin des réponses" dans cette affaire toujours obscure.

Les audiences doivent se succéder pendant trois semaines, jusqu'au 16 avril. Une quarantaine de parties civiles, familles des soldats tués ou blessés notamment, mais aussi de nombreux militaires et d'anciens ministres français sont attendus, ou au moins convoqués, à la barre.

"Qui a ordonné ce bombardement ? Nous voulons enfin connaître la vérité. Le silence des autorités françaises dans ce dossier est dramatique", ont déclaré à l'AFP avant l'ouverture des débats les enfants de Philippe Capdeville, une des victimes.

"Depuis quinze ans, il y a énormément de questions dans ce dossier, et des réponses qu'on n'a jamais voulu donner", a déploré de son côté Me Jean Balan, avocat d'une trentaine de parties civiles.

Le 6 novembre vers 13h20, deux chasseurs de l'armée loyaliste ivoirienne, qui tentait de reprendre le contrôle du nord du pays aux rebelles, ont bombardé à Bouaké un camp militaire des forces françaises, chargées de faire tampon entre les deux camps ivoiriens pour éviter une guerre civile.

Cette attaque surprise tue 9 soldats français et un civil américain et fait une quarantaine de blessés. En représailles, Paris détruit le jour même l'ensemble de l'aviation militaire ivoirienne, enflammant les relations avec son ancienne colonie, historiquement très proche.

Trois hommes soupçonnés d'être les pilotes des chasseurs ivoiriens sont poursuivis pour assassinat: le Biélorusse Yury Sushkin et les Ivoiriens Ange Magloire Gnanduillet Attualy et Patrice Ouei. Ils encourent la réclusion à perpétuité mais seront jugés en absence, car ils ont fui et n'ont jamais été arrêtés.

L'enquête n'est pas parvenue à répondre aux questions qui hantent les familles de victimes depuis quinze ans: qui a donné l'ordre de bombarder les Français et pourquoi ?

Les enquêteurs ont examiné le rôle de trois ministres de l'époque, Michèle Alliot-Marie (Défense), Dominique de Villepin (Intérieur) et Michel Barnier (Affaires étrangères), cités à comparaître comme témoins.

Les ministres et l'état-major français ont toujours privilégié l'hypothèse d'une "bavure" ivoirienne.

Côté parties civiles, le sentiment d'un fiasco judiciaire nourrit l'amertume, voire la colère. Et parfois le soupçon d'une "manipulation" ou d'une "barbouzerie" française destinée à déclencher une réaction de Paris et à provoquer la chute du président ivoirien de l'époque, Laurent Gbagbo.

emd/pa/rhl

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MAR 28

Coups de feu dénoncés par des migrants: démenti des autorités françaises #

3/28/2021, 6:00 PM
Lyon, FRA

La préfecture des Hautes-Alpes a assuré dimanche qu'aucun tir n'avait été effectué jeudi à la frontière avec l'Italie, après des accusations de migrants rapportées la veille par la presse italienne.

Des migrants afghans ont accusé samedi des gendarmes français de les avoir refoulés vers l'Italie en tirant des coups de feu pour les effrayer, des allégations examinées par un magistrat italien mais déjà démenties par la gendarmerie.

"Informée hier de cette rumeur, la préfète des Hautes-Alpes a demandé à l'ensemble des services habilités à faire usage d'armes (forces de l'ordre, armée, fédération de chasse) si des tirs ou d'autre activités susceptibles de produire des détonations avaient eu lieu entre jeudi après-midi et vendredi matin", indiquent les autorités françaises dans un communiqué.

"Ces vérifications permettent de conclure qu'aucun tir n'a été effectué durant cette période, pas même au titre d'un exercice ou entraînement des forces armées, ni d'une battue administrative", ajoutent-elles.

Le parquet spécialisé dans la protection des mineurs à Turin a été saisi après l'hospitalisation d'une jeune Afghane de 11 ans en état de choc, selon l'agence de presse italienne Ansa.

Sa mère a affirmé aux enquêteurs que son mari, sa fille et elle-même avaient quitté jeudi un hébergement provisoire dans lequel ils avaient été recueillis après l'évacuation en début de semaine d'un squat à Oulx, commune italienne limitrophe des Hautes-Alpes.

"Nous étions sur un sentier quand des policiers français sont arrivés. Ils se sont approchés et ont crié de nous arrêter. Et j'ai entendu des coups de feu", a raconté la mère de la fillette aux bénévoles de la Croix-Rouge qui l'ont transportée à l'hôpital de Turin, selon Ansa.

"La fillette, dont l'identité a été établie, faisait en effet partie d'un groupe de quatorze migrants dont huit enfants interpellés jeudi soir dans le cadre de la mission de contrôle de la frontière franco-italienne", déclare dimanche la préfecture des Hautes-Alpes.

"Alors qu'ils tentaient de franchir la frontière de façon irrégulière, ils ont été interpellés et entendus selon les procédures habituelles, avant d'être remis aux autorités italiennes conformément au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile", ajoute-t-elle.

Selon la préfecture, les autorités de police italiennes ont indiqué avoir entendu les membres du groupe de migrants concernés "qui ont déclaré n'avoir entendu aucune détonation".

Samedi, la gendarmerie nationale a déjà démenti tout coup de feu, tandis qu'en Italie, le leader de la Lega (extrême droite) Matteo Salvini polémiquait sur l'affaire en reprochant à la France de refouler des migrants vers l'Italie.

ppy/fga/dch

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MAR 27

Hommage au commandant Massoud sur les Champs-Elysées #

3/27/2021, 1:01 PM
Paris, FRA

Près de 20 ans après l'assassinat du commandant Massoud, "figure éternelle de la résistance" en Afghanistan, une allée parisienne a été baptisée à son nom samedi par la maire de Paris Anne Hidalgo, en présence de son fils Ahmad Massoud.

Mme Hidalgo a évoqué lors de l'inauguration d'une allée des jardins des Champs-Elysées "le commandant Massoud, cette figure éternelle de la résistance, ce combattant de la liberté dont le visage, dont le combat, dont les paroles nous inspirent encore aujourd'hui en Afghanistan mais aussi ici à Paris".

"En faisant une place pour le commandant Massoud à Paris, dans nos rues, nous célébrons un combat profondément universel (...) pour la liberté et aussi pour le droit des femmes", a assuré la maire en rappelant le "lien exceptionnel qui a toujours existé entre le commandant Massoud et notre pays".

Ahmad Shah Massoud "aurait aimé que nous célébrions son nom au moment même où nous commémorons la Commune de Paris", a pour sa part déclaré le philosophe Bernard-Henri Lévy.

Cet hommage intervient 20 ans presque jour pour jour après sa première visite à Paris.

"Il y a exactement 20 ans, le défunt commandant Massoud a atterri en France à l'invitation du Parlement européen, et c'est d'ici qu'il a lancé sa campagne contre le terrorisme international et l'extrémisme", a rappelé son fils.

"Je voudrais réaffirmer notre engagement, celui de la France, à veiller à ce que les droits démocratiques et les libertés publiques acquis ces 20 dernières années soient préservés alors que l'Afghanistan se trouve actuellement à un moment critique", a déclaré le secrétaire d'Etat français chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, en rappelant "que la France a payé le prix du sang dans ce combat de liberté aux côtés du peuple afghan, elle a perdu 90 hommes".

Ahmad Shah Massoud a mené en Afghanistan la résistance contre l'occupant soviétique dans les années 1980, puis contre les talibans à l'époque où ceux-ci dirigeaient l'Afghanistan, de 1996 à 2001.

Il a été tué par Al-Qaïda deux jours avant les attentats du 11 septembre 2001, qui ont amené Washington à lancer une vaste opération militaire en Afghanistan, chassant les talibans du pouvoir.

etr/jk/caz/lb

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MAR 27

Hommage au commandant Massoud sur les Champs-Elysées #

3/27/2021, 12:12 PM
Paris, FRA

Près de 20 ans après l'assassinat du commandant Massoud, "figure éternelle de la résistance" en Afghanistan, une allée parisienne a été baptisée à son nom samedi par la maire de Paris Anne Hidalgo, en présence de son fils Ahmad Massoud.

Mme Hidalgo a évoqué lors de l'inauguration d'une allée des jardins des Champs-Elysées "le commandant Massoud, cette figure éternelle de la résistance, ce combattant de la liberté dont le visage, dont le combat, dont les paroles nous inspirent encore aujourd'hui en Afghanistan mais aussi ici à Paris".

"En faisant une place pour le commandant Massoud à Paris, dans nos rues, nous célébrons un combat profondément universel (...) pour la liberté et aussi pour le droit des femmes", a assuré la maire PS en rappelant le "lien exceptionnel qui a toujours existé entre le commandant Massoud et notre pays".

Ahmad Shah Massoud "aurait aimé que nous célébrions son nom au moment même où nous commémorons la Commune de Paris", a pour sa part déclaré le philosophe Bernard-Henri Lévy.

Cet hommage, voté au Conseil de Paris le 9 mars 2020, intervient 20 ans presque jour pour jour après sa première visite à Paris.

"Il y a exactement 20 ans, le défunt commandant Massoud a atterri en France à l'invitation du Parlement européen, et c'est d'ici qu'il a lancé sa campagne contre le terrorisme international et l'extrémisme", a rappelé son fils.

"Je voudrais réaffirmer notre engagement, celui de la France, à veiller à ce que les droits démocratiques et les libertés publiques acquis ces 20 dernières années soient préservés alors que l'Afghanistan se trouve actuellement à un moment critique", a déclaré le secrétaire d'Etat français chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, en rappelant "que la France a payé le prix du sang dans ce combat de liberté aux côtés du peuple afghan, elle a perdu 90 hommes".

Ahmad Shah Massoud a mené en Afghanistan la résistance contre l'occupant soviétique dans les années 1980, puis contre les talibans à l'époque où ceux-ci dirigeaient l'Afghanistan, de 1996 à 2001.

Il a été tué par Al-Qaïda deux jours avant les attentats du 11 septembre 2001, qui ont amené Washington à lancer une vaste opération militaire en Afghanistan, chassant les talibans du pouvoir.

etr/jk/caz

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MAR 27

6 novembre 2004: la France devient brutalement actrice de la crise ivoirienne #

3/27/2021, 10:07 AM
Paris, FRA

Le 6 novembre 2004, la France, venue s'interposer deux ans auparavant entre les belligérants ivoiriens, s'est retrouvée brutalement actrice d'une crise qu'elle tentait de résoudre.

Un ex-mercenaire bélarusse et deux officiers ivoiriens, accusés d'avoir tué à l'époque neuf militaires français, seront jugés à Paris aux assises à partir de lundi.

En quelques heures, la crise ivoirienne opposant le pouvoir aux rebelles des Forces nouvelles (FN) qui avaient pris les armes en septembre 2002, se transforme dans les discours des plus durs du camp du président Laurent Gbagbo en "guerre coloniale de la France contre la Côte d'Ivoire".

Depuis le 4 novembre, l'aviation ivoirienne bombarde des positions rebelles, sans que ni les Casques bleus de l'Opération de l'ONU en Côte d'Ivoire (Onuci) chargés de veiller au cessez-le-feu, ni la France, qui a déployé près de 4.000 soldats au sein de l'Opération Licorne pour les appuyer, ne réagissent.

Jusqu'à ce que le 6, un cantonnement de Licorne à Bouaké (centre), fief des FN, soit bombardé, de façon délibérée selon Paris, tuant neuf soldats français et un humanitaire américain.

La riposte française est instantanée: la quasi-totalité de la flotte aérienne militaire ivoirienne, bombardiers Sukhoï et hélicoptères d'attaque Mi-24, est mise hors d'usage et l'armée française prend le contrôle de l'aéroport d'Abidjan après des combats qui font plusieurs tués dans les rangs de l'armée ivoirienne.

Pendant ce temps, les troupes françaises positionnées à l'intérieur du pays et rappelées sur Abidjan utilisent la force pour se frayer un chemin souvent bloqué par des militaires ivoiriens, auxquels se mêlent des civils.

A la télévision nationale, le chef des "Jeunes patriotes" Charles Blé Goudé appelle les Ivoiriens à aller à l'aéroport s'opposer à l'armée française. Dans les rues d'Abidjan, pillages et "chasse aux Blancs" commencent.

Les troubles durent plusieurs jours.

Entre les 6 et 9 novembre, 57 civils sont tués et plus de 2.000 blessés par l'armée française, selon les autorités ivoiriennes.

Les images de soldats français ouvrant le feu sur des manifestants devant l'hôtel Ivoire le 9 novembre, passées en boucle à la télévision, renvoient aux épisodes coloniaux les plus sombres.

Y font contrepoint celles de milliers d'Européens, réfugiés au 43e Bataillon d'Infanterie de Marine français d'Abidjan, dépouillés de leurs biens et traumatisés par de nombreuses exactions, qui quittent le pays à la hâte.

bur/ang/mw/stb/hba

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MAR 27

Bombardement de Bouaké: trois pilotes jugés par défaut et une énigme intacte #

3/27/2021, 10:05 AM

Neuf soldats français tués, un ancien mercenaire biélorusse et deux officiers ivoiriens jugés par défaut et beaucoup de zones d'ombre: le procès du bombardement de Bouaké en 2004, à l'origine d'une crise inédite entre la France et la Côte d'Ivoire, s'ouvre lundi à Paris.

Début novembre 2004, le président ivoirien Laurent Gbagbo passe à l'offensive pour tenter de réunifier son pays, coupé en deux depuis deux ans et une tentative de coup d'Etat rebelle. Ses avions pilonnent les positions rebelles vers le Nord, sous l'oeil inquiet des forces de paix françaises déployées depuis 2002 entre les deux camps pour éviter une guerre civile.

Le 6 novembre vers 13H20, deux chasseurs ivoiriens survolent à basse altitude un camp français à Bouaké (Centre). Tout à coup, l'un d'eux plonge et tire des roquettes. Au sol, c'est la panique, puis l'horreur et la sidération: on déplore neuf soldats français et un civil américain tué, ainsi qu'une quarantaine de blessés.

En représailles, Paris détruit le jour même l'ensemble de l'aviation militaire ivoirienne, ruinant son offensive en cours. Les relations entre Paris et son ancienne colonie, historiquement très proches, s'enflamment.

Dans les jours qui suivent, de violentes manifestations anti-françaises secouent le sud du pays. Du jour au lendemain, des milliers d'expatriés regagnent la France en catastrophe, encadrée par les troupes tricolores.

Le 10 novembre, dans la cour des Invalides à Paris, le président Jacques Chirac rend un hommage solennel aux soldats tués à Bouaké. "Nous ne vous oublierons pas", promet-il. Mais quinze ans après, leurs meurtriers courent toujours.

- Suspects relâchés -

Après avoir bombardé le camp français, les deux Sukhoï-25 ivoiriens se posent à l'aéroport proche de Yamoussoukro. Sur le tarmac, leurs équipages - des pilotes mercenaires biélorusses employés par l'armée ivoirienne et leurs copilotes ivoiriens - sont photographiés et filmés par les services de renseignements français.

Trois hommes sont, sur la foi de nombreux témoignages, accusés par la justice française d'avoir perpétré ou encadré le bombardement: le Biélorusse Yury Sushkin et les Ivoiriens Ange Magloire Gnanduillet Attualy et Patrice Ouei.

Jugés pour assassinats, ils sont les seuls accusés du procès qui s'ouvre lundi pour trois semaines devant la cour d'assises de Paris, où ils encourent la réclusion à perpétuité. En absence, car ils ont fui et n'ont jamais été arrêtés ou presque...

Le 16 novembre 2004, huit Biélorusses venus de Côte d'Ivoire, dont Yury Sushkin, sont arrêtés au Togo, qui les met à disposition des autorités françaises. Mais celles-ci, curieusement, lui répondent de les relâcher.

Au lendemain de l'attaque déjà, quinze mercenaires russes, biélorusses et ukrainiens avaient été arrêtés par des militaires français à Abidjan. Mais le groupe, où pouvaient figurer des suspects potentiels, avait été libéré quatre jours plus tard.

Selon l'instruction, ambassades, militaires et agents de renseignement français avaient tous reçu pour consigne de "ne pas se mêler" de cette affaire. Certains ont expliqué que la priorité du moment était de protéger les Français de Côte d'Ivoire.

- Amertume et soupçons -

Les enquêteurs ont également examiné le rôle de trois ministres de l'époque, Michèle Alliot-Marie (Défense), Dominique de Villepin (Intérieur) et Michel Barnier (Affaires étrangères). Mais la justice a refusé de saisir la Cour de justice de la République (CJR), seule habilitée à juger les ministres. Ils sont néanmoins cités à comparaître au procès, comme témoins.

L'enquête s'est donc cantonnée aux exécutants présumés, biélorusse et ivoiriens. Sans parvenir à répondre aux questions qui hantent les familles de victimes depuis quinze ans: qui a donné l'ordre de bombarder les Français et pourquoi ?

Les ministres et l'état-major français ont toujours privilégié l'hypothèse d'une "bavure" ivoirienne organisée par Laurent Gbagbo ou son entourage pour faire oublier leur offensive militaire qui patinait, ou pour rompre définitivement avec la France.

Côté parties civiles, le sentiment d'un fiasco judiciaire nourrit l'amertume, voire la colère. Et parfois le soupçon, au fil des tergiversations et des déclarations contradictoires des responsables français.

Une partie des proches des victimes et le clan Gbagbo soupçonnent une "manipulation française" qui aurait mal tourné, un plan organisé pour déclencher une réaction française et renverser le président ivoirien, jugé pas assez docile, et le remplacer par son rival Alassane Ouattara.

Ce dernier succédera à M. Gbagbo, chassé du pouvoir en 2011 avec le soutien militaire de Paris après une élection présidentielle contestée.

Me Jean Balan, avocat de plusieurs familles de victimes, dénonce un agenda caché des anciens ministres français, qui le nient en bloc. "C'est la seule explication logique à leur acharnement à étouffer l'affaire et cacher la vérité", affirme-t-il.

emd/pa/sst

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